Mais où se trouve le cimetière des méchantes gens ?

Bonjour les amis,

Hier j'ai écouté une intervention de 3 minutes de Marco Travaglio, un chroniqueur et journaliste italien qui s'est spécialisé dans les affaires de corruption.

Vous pourrez l'entendre sur le lien ci-dessous qui est sous-titré en italien. J'adore sa manière très élégante de parler, et si vous ne comprenez pas ce qu'il dit je vous ferai ensuite un résumé de son intervention.

L'imbarazzante beatificazione di Berlusconi | Davanti alla morte è giusto ammorbidirsi un attimo, ma quello che è successo ieri è stato imbarazzante: è subito iniziato un processo di beatificazione... | By Ketty Damante | Facebook

Davanti alla morte è giusto ammorbidirsi un attimo, ma quello che è successo ieri è stato imbarazzante: è subito iniziato un processo di beatificazione...

https://www.facebook.com/KettyDaman/videos/6271773702912892

Au cas où vous ne pourriez pas accéder au lien antérieur je remets le même lien youtube  mais malheureusement sans sous-titres cette fois-ci

Le titre de cette vidéo est:

" L'embarrassante béatification de Berlusconi "

Interviewé par Lilli Gruber, Travaglio ne s'est pas joint au chœur des condoléances pour le leader de Forza Italia et en a expliqué la raison.

"Quand une personne décède, les condoléances sont généralement envoyées aux parents et amis. Pour dire des choses négatives, on attend au moins après les funérailles - a-t-il dit - Malheureusement, avec les réseaux sociaux, tout cela a été sauté et nous avons assisté à une journée de béatification embarrassante qui a complètement ignoré la vérité des faits. C'est pourquoi nous sommes obligés de dire ce que nous pensons ».

Travaglio explique qu'il veut éviter "l'hypocrisie". Il dit que "le pire des services serait de faire de Berlusconi un petit saint ( "santino") qu'il n'a jamais été". «Il n'a jamais rien fait pour se présenter comme un saint – a-t-il ajouté – également parce que s'il l'avait fait, les gens n'auraient pas voté pour lui. Ses électeurs savaient que c'était une canaille, une canaille sympathique certes mais une canaille quand même, et le Cavaliere n'a jamais rien fait pour le démentir. C'est justement pour ça que les gens votaient pour lui, et s'il ne s'était pas comporté avec ce cynisme il n'aurait jamais engrangé les votes qu'il a reçu.

Quand on a écrit sur ses procès dans notre journal, il nous a appelé (avec une moquerie cynique) pour se plaindre parce qu'on avait écrit qu'il avait des faux cheveux et non pas pour se défendre des graves accusations qu'on portait contre lui".

Travaglio ajoute "Il a non seulement fait beaucoup de choses répréhensibles, mais il a également normalisé ces comportements . Il a proclamé qu'il était juste de les faire et de les revendiquer, il a exalté l'évasion fiscale au nez et à la barbe de la Police des Finances. Ce sont des faits très graves qui lui survivront, on n'avait pas de Droite décente avec lui et on ne l'aura pas non plus même après lui car le Berlusconisme a corrompu non seulement FORZA ITALIA mais aussi le reste de la droite italienne qui a fini par adopter ses attitudes inciviques."

En marge de ces remarques pleines de bon sens de Travaglio, il raconte une anecdote amusante.

Giulio Andreotti (chef historique des démocrates chrétiens, très rusé et machiavélique) avait dit que sur son épitaphe il voulait que n'apparaissent que son nom suivi des dates de naissance et de décès. Il ne voulait aucune phrase car il trouvait que toutes les épitaphes se ressemblaient comme si dans les cimetières il n'y avait que des braves personnes.

Andreotti avait dit avec malice :

 Scusati ma si sono tutti buoni dove è il cimitero dei cattivi ?

"Excusez-moi mais si c'était toutes des braves personnes, où se trouve le cimetière des méchantes gens?..."

C'est à 30 secondes sur la première vidéo, et à 1 minute 45 secondes sur la vidéo youtube.

NB: "Cattivi" veut dire mauvais ou méchants...au choix...

PS: Je rajoute en dernière minute  à mon billet du jour cette vidéo dans laquelle un italien explique la longue liste des magouilles de Berlusconi et pourquoi il ne le remercie pas...j'ai pas le temps de traduire vu que la liste (non exhaustive) est longue...🤣🤦‍♀️🤦‍♀️🤦‍♀️

Comments

[caius]

J'ai toujours aimé la musique de la langue italienne

"Cattivi"... "Brutti, sporchi e cattivi"

Pour Berlusconi, oui, la force de ce personnage était que loin de dissimuler ses turpitudes il en faisait étalage, s'en servait comme argument électoral et que cela payait. Cela en dit long sur l'abaissement de nos standard moraux (cfr votre article sur la philosophie à l'école) et le fait que gagner de l'argent est devenu la valeur suprême.

Samedi passé la radio belge francophone rediffusait un entretien à ce sujet avec le professeur Nuccio Ordine malheureusement récemment décédé.


https://auvio.rtbf.be/media/la-couleur-des-idees-3048633

[alea-jacta-est]

Oui c'est une belle musique que cette langue très expressive.
L'abaissement des standards moraux dont vous parlez est malheureusement confirmé par Marco Travaglio qui constate que le berlusconisme a infecté les autres partis de droite et qu'il ne se limite pas à FORZA ITALIA, Travoglia parle d'une droite "décente" qui existait et qui est en voie de disparition.
Peut-être vous souvenez-vous d'une affiche électorale de JM Le PEN sur laquelle il y avait une photo de lui s'adressant aux électeurs et disant: " Je pense comme vous". Sous-entendu: "on est pareils, on pense pareil mais on n'a pas le droit de le dire"...C'est exactement ce type de gros clins d'oeils vulgaires qu'utilisait Berlusconi.
Malgré tout quand on entend la longue liste chronologique des affaires énoncées par le jeune homme sur ma deuxième vidéo on est surpris du fait que FORZA ITALIA ait si bien résisté bien dans le temps. Il y a donc d'autres éléments propres à l'Italie et à son histoire politique et sociale antérieure, des raisons systémiques sans doute sans lesquelles on ne peut pas bien comprendre le berlusconisme.
j'espère que le livre que j'ai commenté à Rosemar m'apportera quelques lumières sur ce sujet.
Aujourd'hui il est difficile d'affimer que le trumpisme survivra à Trump mais, par contre le berlusconisme s'est maintenu et consolidé suffisamment dans le temps pour laisser une empreinte indélébile.
Merci pour le lien sur Nuccio Ordine. Je vais écouter ça tranquilos.
Ce grand humaniste italien, amoureux de la culture classique, venait de recevoir le prix Princesse des Asturies en Espagne avant de disparaitre brutalement emporté par un AVC à l'hôpital de Cosenza en Calabre (région de mes parents).
https://www.eldiario.es/cultura/filosofo-italiano-nuccio-ordine-premio-princesa-asturias-comunicacion-humanidades-2023_1_10174188.html
Bonne journée Caius

[rosemar]

Tu dois connaître cette chanson de Brassens : Le temps passé...

https://youtu.be/2AFuhQnx6X8


"J'ai mis ma tenue la plus sombre
Et mon masque d'enterrement
Pour conduire au royaume des ombres
Un paquet de vieux ossements
La terre n'a jamais produit, certes
De canaille plus consommée
Cependant, nous pleurons sa perte
Elle est morte, elle est embaumée."


Mais tout de même un homme politique véreux, qui a mené une vie de scandales, qui a trempé dans de nombreuses affaires louches, on ne peut pas l'encenser et on ne devrait pas lui offrir des funérailles nationales...


Belle soirée, AJE

[alea-jacta-est]

Bin non, je ne connaissais pas cette chanson complètement dans l'esprit de mon billet. Merci pour la découverte.
Mes parents sont originaires de Calabre et, là-bas, à chaque fois qu'on parle d'un défunt les gens (surtout les gens de la terre) précèdent le nom du défunt par la locution " Bonne âme"=" buona anima". Par exemple au lieu de dire "Pietro Marzini" ils disent " la buona anima di Pietro Marzini"= " la bonne âme de Pietro Marzini", ce qui indique au passage que le monsieur n'est plus de ce monde. La formule me frappait quand j'étais enfant car elle impliquait que tous ceux qui décèdent se convertissent instantanément en " bonnes âmes"... ce qui est à la limite du risible,forcément... mais qui indique aussi le respect à ceux qui ont trépassé.
Pour revenir à Berlusconi je vais commencer un livre qui explique non pas le personnage mais le phénomène.
Voici ce qu'en disent les auteurs.
"Cet essai n’est pas consacré à Berlusconi, à sa personne, à l’entrepreneur,l’homme des médias, le richissime et influent « communicant ». Il ne s’intéresse pas non plus à l’origine de sa fortune, à sa personnalité pour le moins controversée. L’objet du livre est de comprendre la motivation des électeurs et électrices qui ont maintenu et maintiennent leur confiance en la coalition dirigée par Berlusconi pendant plus de vingt ans, malgré les échecs politiques et les scandales judiciaires. La clé de compréhension passe nécessairement par l’analyse du discours et du projet politique du Cavaliere qu’il convient, nous dit l’auteur, de prendre enfin au sérieux pour comprendre le choix et la fidélité des électeurs."
https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251448312/le-berlusconisme-dans-l-histoire-de-l-italie
Bonne fin de soirée l'amie

[fatizo]

A l'occasion de son décès ,malheureusement le monde du foot a plutôt été élogieux avec Berlusconi, à commencer par Ancelotti, réputé pour être un homme cultivé et de grande qualité.
https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Carlo-ancelotti-salue-silvio-berlusconi-un-homme-determinant-pour-sa-carriere/1402374
Évidemment il lui doit beaucoup mais il aurait pu en faire un peu moins sur les éloges.
En regardant la chaine l'Equipe j'ai été encore plus surpris du peu d'intérêt des journalistes sur les multiples mauvais cotés du personnage. Il a fallu que la seule femme journaliste présente sur le plateau rappelle les comportements abjectes du personnage avec les très jeunes filles sinon cela passait sous silence.
On peut dire que le Milan AC était son masque pour se donner une bonne image, mais une fois le masque du Président du Milan AC tombé, l'homme était tout autre. Dr Jekyll et Mr Hyde.
Bon dimanche l'ami.

[alea-jacta-est]

Merci pour le lien. Ancelotti donne son témoignage en tant qu'ex-joueur et ex-entraîneur. Berlusconi savait se mettre dans la poche les personnes qu'il avait à la bonne.
Par ailleurs en Italie comme en Espagne le foot est un bon marche-pied pour ceux qui veulent ensuite faire de la politique. Ça s'est vu aussi en France avec Bernard Tapie, entre autres...Jean-Louis Borloo (qui lui au moins est quelqu'un de plutôt bien) avait repris le club de Valenciennes ma ville natale).
Pour revenir à ces funérailles elles représentaient théoriquement ( mais pas dans les faits) un casse-tête pour le gouvernement de coalition dans lequel FORZA ITALIA a un poids important.
D'un point de vue purement éthique et moral un personnage qui a été condamné à 4 ans de prison pour malversations financières et qui, par ailleurs, organisait des orgies privées dans lesquelles étaient embauchées des prostituées y compris mineures ne peut bénéficier de funérailles nationales.
Le mérite de l'intervention de Marco Travaglio c'est de rappeler que Berlusconi n'essayait pas de se faire passer pour quelqu'un de vertueux et que c'est justement pour ça qu'il a recueilli un tel nombre de suffrages.
Faire aujourd'hui le procés du berlusconisme oblige l' Italie à se regarder dans une glace, et malheureusement le berlusconisme n'est pas mort, loin s'en faut, avec Berlusconi.
Bonne journée l'ami

[LH]

Sacré Andreotti, quel sage-homme celui-là.
Et que dit l'épitaphe de Berlusconi alors ?

[alea-jacta-est]

Il y a un mot italien, souvent exprimé comme une insulte, et qui correspond parfaitement à Berlusconi.
C'est MASCALZONE qui veut dire fripouille, crapule, vaurien, canaille avec l'idée d'une personne qui ne connaît pas la honte (ce qu'on appelle en espagnol un "sinverguenza", un "sans-honte").

[alea-jacta-est]

Tout ce que je sais c'est que la maman de Berlusconi décédée en 2008 avait écrit cette épitaphe pour Silvio ( très prévoyante la Mamma!)..
"C'était un homme bon et juste, doux et fort."
Rien que ça !...lol ! Cherchez l'erreur...j'accepte quand même l'un de ces 4 adjectifs...
https://www.20minutos.es/noticia/744411/0/berlusconi/madre/epitafio/