Blue Jasmine de Woody Allen...un bouleversant portrait de femme

Bonjour les amis,

Je continue mes séances de rattrapage avec Woody Allen.Cette fois-ci, c'est BLUE JASMINE que je viens de voir.

Alors, avant de vous parler moi-même de ce que m' inspire cette comédie dramatique de Woody Allen, je vous engage à lire cet article de Rosemar sur ce film.

Blue Jasmine, un miroir de notre société...

Les films de Woody Allen sont souvent verbeux, les personnages s'y expriment abondamment, comme si la parole était un exutoire aux malheurs de ce monde... L'héroïne de Blue Jasmine, incarnée pa...

http://rosemar.over-blog.com/2016/07/blue-jasmine-un-miroir-de-notre-societe.html

Alors, ce film j' ai mis du temps à le voir parce que je ne suis pas très sensible aux charmes de Cate Blanchett, et comme c' est sur elle que repose tout le film, j' ai eu des hésitations...Mal m' en a pris car elle fait une magnifique interprétation absolument bouleversante.

Je ne vais pas répéter ce que dit Rosemar sur ce film: il y a la satire sociale de Woody, les deux mondes en opposition ( la jet set américaine et les prolos des quartiers populaires), l' hypocrisie des puissants qui ont leurs associations caritatives pour se donner bonne conscience de pratiquer l' évasion fiscale, leur mépris pour les loosers, leur suffisance.Ils vivent dans un autre monde.....il y a tout ça dans le film d' Allen, avec des contrastes assez drôles parfois entre le monde de Cate et celui de sa soeur.

Mais, au delà de ce thème de comédie, il y a le personnage tragique de Jasmine qui a tout vécu, qui a tout eu dans la vie, grâce à son mari. Et Jasmine vient de tout perdre.

Jasmine n' a jamais essayé de savoir si son mari était très honnête.Elle  préférait jouer les épouses confiantes...Elle n' a jamais essayé d' en savoir trop sur les frasques de son époux avec des amies de confiance ou des femmes de son entourage.

Jasmine se rassurait, en jouant le rôle d' épouse modèle, qui a toujours bon goût, qui sait organiser des soirées, des dîners,qui adore la vie mondaine, qui sait charmer les nombreux amis qui viennent à la maison. Cate règne sur son petit monde grâce à la manne financière que lui apporte son mari.

C' est un magnifique portrait de grande bourgeoise que nous livre Woody Allen.Une bourgeoise qui connaît tous les codes de la haute société,qui sait toujours se maintenir avec charme et  distinction.Elle fait partie de ces wonderful people dont l' Amérique a le secret.

Le film de Woody Allen mène sans cesse en parallèle les épisodes du passé de la grande Jasmine triomphante et glamour, avec son présent pathétique, fait de tentatives  de se reprojeter dans la vie tout en logeant dans le petit appart' de sa soeur.

Ce film pourrait s' intituler " Plus dure sera la chute"...Jasmine essaie de se relancer dans la vie professionnelle, en acceptant un emploi qui frise l' humiliation pour elle...mais elle ne supporte plus la vulgarité, les trivialités de ce bas-monde.Son esprit continue de naviguer dans d' autres sphères.Elle est devenue complètement dépressive, tient à coups de xanax et de vodka-martinis.

En fait, elle  a la lucidité de se rendre compte qu' elle n' a aucune chance de se reconstruire vraiment à moins qu' elle ne rencontre une personne qui peut à nouveau lui donner accès à tout ce qu' elle possédait.Et comme elle a beaucoup de classe et de charme, elle sait comment s' y prendre pour captiver un homme.Le passage dans le film où Jasmine séduit un diplomate promis à une brillante carrière est admirable. Jasmine arrive à le subjuguer,à le bluffer, alors qu' en réalité elle est au fond du trou et qu' elle tient à coups d' anti-depresseurs...

Malheureusement, sa rencontre amoureuse sera un échec car son passé et ses mensonges vont la rattraper.

Il faut saluer l' interprétation sublime de Cate Blanchett qui nous plonge dans le même désarroi que vit cette grande bourgeoise qui ne se remet vraiment jamais de ce qui lui arrive. Jasmine c' est peut-être le GRAND RÔLE de sa vie.

Woody Allen nous propose un portrait bouleversant et crée avec Jasmine un archétype féminin  aussi fort que Madame BOVARY. On sent que Jasmine ne trouvera pas le salut sans accéder de nouveau au standing social qui était le sien.Son personnage pourrait être agaçant...on pourrait même se dire que ce qui lui arrive est amplement mérité,que ça lui " fera les pieds", mais il n' en est rien.On souffre pour elle...on a envie qu' elle trouve une deuxième clé à son bonheur.

La dernière image du film est poignante...

Blue moon...chanson fétiche de Jasmine qui marque le début de sa romance avec Hal

PS: j' ai dit au début de l' article que je n' étais pas sensible aux charmes de Cate Blanchett, mais ça c' était avant....avant d' avoir vu BLUE JASMINE.Dans ce film, elle m' a bluffé...Je suis conquis...

Comments

[ALEA JACTA EST]

A Fatizo
Ton commentaire( et ma réponse) sont malencontreusement passés à la trappe...arrrghhh!!!
Je te remets donc ma réponse.
Tu soulèves un sujet grave qui mériterait à lui-seul un article pour te répondre...et un long article.
Qu' est ce qu' on fait avec les oeuvres d' auteurs quand on sait qu' ils se sont comportés comme des sagouins dans la vraie vie ?
La réponse n' est pas simple mais une chose est sûre: il n' y a aucune raison de pardonner à Woody Allen ce que l' on ne pardonnerait pas chez n' importe quel citoyen lambda.Pire: s' agissant d' un artiste qui a une telle sensibilité de l' âme humaine, il y a d' autant moins de raisons d' être complaisant à son égard: donc je ne le serai pas.Je suis très choqué par le mariage avec sa fille adoptive( ça passe pas du tout cette histoire..mais pas du tout du tout..) sans même parler des probables abus sur Dylan.
Woody Allen ne va probablement pas pouvoir monter son 50 ème film, et moi-même j'' ai hésité avant d' aborder une petite retrospective de ses films car je ne les perçois plus de la même manière.Je ne m' identifie plus à lui...par contre j' essaie de prendre ce qu' il y a de bon dans ses oeuvres.
Par ailleurs il y a des metteurs en scène comme Kubrick qui se réinventent à chaque film, et d' autres comme Allen qui déclinent toujours la même histoire mais différemment.Disons que sur BLUE JASMINE Allen nous sert une histoire vraiment forte et originale ( mais à la sauce Allen).
Bonne dimanche l' ami...et désolé pour ton com' qui a disparu

[alea-jacta-est]

T' es au courant de cette affaire de Riddley Scott qui refilme des scènes tournées sur son dernier film avec Kevin Spacey après avoir appris que celui-ci aurait abusé de certains jeunes acteurs par le passé...Spacey a reconnu certains faits et a même demandé pardon.Le reste c' est l' affaire de la justice.Au moment où Scott avait tourné ses scènes, le scandale n' avait pas éclaté....donc j' ai été surpris qu' il refilme ces scènes avec un autre acteur.
Quant à Kevin Spacey j' ai l' impression qu' il est fui comme la peste maintenant...La mise au ban d' un artiste c' est sa mort...Je me demande si on en fait pas un peu trop.

[fatizo]

En ce qui concerne l'oeuvre et l'homme, il est évident qu'on ne peut censurer l'oeuvre d'un artiste tout simplement parce que l'homme est un salaud.
Ou commence et ou se termine la limite de l’acceptable.
C'est pourquoi la période actuelle me fait peur. On est dans la surenchère de la censure.
Dans quelques décennies pourra-t-on encore avoir accès aux films ou les cigarettes s’enchaînent?
Je me souviens qu'à la sortie de Gone Girl, certaines critiques trouvaient ce film mauvais parceque le personnage féminin était machiavélique, et donc anti-féministes. Pourra-t-on encore voir des personnages féminins de ce type?
Faudra-t-il supprimer des cinémathèques les chefs-d’œuvres ou il en figure?
Idem avec l'anti-racisme primaire, les handicapés etc....

[ALEA JACTA EST]

Je profite aussi pour compléter mon commentaire sur BLUE JASMINE.J' ai souvent été mal à l' aise et gêné pendant le film à cause des situations cruelles, et aussi par le manque de tact de certains personnages qui tiennent des propos blessants, qui balancent des trucs énormes....Mais là, il faut reconnaître que Woody Allen n' en rajoute pas et que dans la vraie vie on est confronté à de tels personnages et à de telles situations. C' est dur, pénible, voire très pénible...mais bien observé

[L. Hatem]

J'avais bcp aimé ce film... une dure vérité pour ceux qui un jour ne peuvent plus maintenir ce train de vie !

[alea-jacta-est]

Oui...Quand on a des habitudes de riche, on les garde même quand on n' a plus le sou...Dans le film, on voit Jasmine prendre des cours d' informatique, devenir secrétaire médicale mais on n' y croit pas une seule seconde.On sent que son salut mental passe par le fait d' accéder le plus rapidement possible au statut social qui était le sien.Le fils de son mari a refait sa vie en travaillant humblement dans un magasin de musique, mais c' est hors-de portée pour Jasmine.
L' argent et le pouvoir c' est comme une drogue.Une fois qu' on y a touché on ne peut plus s' en passer.La composition de Cate Blanchett est énorme.C' est vraiment un grand rôle que lui a offert Woody Allen, et elle le porte d' une manière peut-être encore plus forte que le réalisateur ne pouvait l' espérer.Elle transcende son rôle.
Elle crée un archétype.
Bon dimanche l' ami

[rosemar]

Le personnage est tout de même assez pathétique : elle vit dans un univers factice, dans l'illusion, et perd le contact avec la réalité : comment peut-on vivre ainsi complètement déconnecté du réel ??
Elle me fait pitié...

Belle soirée, AJE

[alea-jacta-est]

J' aimerais revenir sur l' expression que tu emploies" Elle vit dans un univers factice, dans l' illusion "...Comme dit l' économiste Varoufakis, leur richesse et leur pouvoir n' est pas factice: leurs propriétés, leurs résidences secondaires, leurs yachts,leurs vacances dans des lieux huppés,leur train de vie,leurs vêtement de haute couture, leurs sacs Louis Vuitton, etc... sont bien réels...Jasmine est la maîtresse de maison:elle s' occupe de la déco, des soupers, des réunions, etc...Ça l' occupe à temps plein et ça lui convient parfaitement.Comme la majorité des grandes bourgeoises, elle n' est pas au fait des comptes exacts et des négoces de son mari.Tout se base sur la confiance.A chacun son job.L' épouse de Bernard Madoff , par exemple,ne savait pas et ne pouvait pas savoir que son mari était une escroc( seuls 3 ou 4 personnes le savaient), parce qu' entre autres sa richesse était crédible dans un monde libéral quand les choses tournent bien.
La scène où Hal raconte à Jasmine qu' il expliquait à une amie les avantages et inconvénients entre 2 modèles différents de jet privé est très réaliste.Donc le pouvoir n' est peut-être pas très moral, mais il n' est certainement pas factice non plus.
Ce que nous dit Allen, c' est qu' une personne qui a possédé tout ça ne va pas facilement se refaire en repartant à zéro, avec un salaire " normal".
Au début du film Jasmine est complètement dans la dèche mais elle continue de voyager en première classe et de laisser des pourboires royaux aux taxis.Ça aussi c' est bien vu...
Donc, woody Allen aurait pu signer une comédie morale où Jasmine , par la force de sa volonté aurait pu se reconstruire un nouvel avenir, mais finalement le cinéaste nous dit que ceux qui ont eu accès à autant de pouvoir ne vont pas revenir sur terre aussi facilement.La seule issue réelle pour Jasmine c' est de remettre le grappin sur une autre personne faisant partie de son milieu...et pour y arriver, elle doit continuer de vivre comme si elle-même en faisait encore partie.J' adore la scène où Jasmine donne rdv au diplomate ...mais dans un bar sélect.éloigné du quartier où vit sa soeur.Et finalement, ça marche...
Woody Allen aurait pu signer une espèce de conte philosophique avec un happy end, mais finalement il nous livre une descente aux enfers très réaliste.Jasmine est un personnage qui nous émeut comme Marie Antoinette...quelqu' un qui a tout eu...et qui va tout perdre...Un conte de fée à l' envers.
PS: le morceau BLUE MOON qui est en fil rouge dans le film est une belle métaphore qui explique bien l' histoire et les rêves romantiques de Jasmine:
Blue moon
You saw me standing alone
Without a dream in my heart
Without a love of my own
refrain
Lune bleue,
Tu m'as vu étant seul
Sans même un rêve dans mon cœur,
Sans un amour à moi

[alea-jacta-est]

Ce que tu dis est vrai mais j' ai aussi une autre perception de ce film qui est comme un conte de fées à l' envers. Jasmine est tombée amoureuse d' un homme qui lui a apporté tout ce dont elle rêvait.Elle adore la vie mondaine et elle se sent très à l' aise dans ce milieu: à tel point qu' elle va faire de plus en plus de concessions pour maintenir son standing.Elle ferme les yeux sur les frasques de Hal, tant que celui-ci la maintient au coeur de la jet set new-yorkaise. Cette vie que toi et moi considérons comme superficielle et factice la remplit de bien-être.
Quand elle arrive chez sa soeur, alors qu' elle est en pleine déprime, on sent qu' elle n' a aucun regard pour les personnages qui gravitent autour de sa frangine.Elle est attirée par les hommes séduisants, mais à condition qu' ils aient du pouvoir...car son rêve c' est de redevenir une épouse charismatique qui brillera dans la haute société.Tu sais, je me suis demandé si elle était vraiment tombée amoureuse du jeune diplomate: il est séduisant certes, mais, je me suis demandé si Jasmine n' avait pas besoin de lui pour retrouver son statut,et si elle n' essayait pas de l' utiliser pour retrouver son rang social...Finalement Woody Allen a préféré une fin pessimiste, mais on peut se dire que des personnages comme Jasmine finissent toujours par retomber sur leurs pattes dans la vraie vie...qu' une femme qui a de la classe et du charme, qui connait bien les codes de la jet set, finit toujours par remettre le grappin sur quelqu' un qui lui apportera ce dont elle a besoin.
Le montage du film en parallèle avec Jasmine rayonnante et Jasmine en pleine déprime est assez impressionnant.Cate Blanchett joue parfaitement dans les deux registres.
Normalement, on devrait s' identifier à la soeur et considérer que Jasmine est une affreuse bourgeoise égocentrique, mais, finalement elle nous touche et nous émeut car on sait qu' elle ne pourra plus jamais redescendre de son petit nuage où l' avait installé Hal.C' est une comédie vraiment tragique.
Bonne fin de soirée l' amie