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19 janvier 2018 5 19 /01 /janvier /2018 20:34

Bonjour les amis,

La semaine dernière un collègue m' avait parlé du film DALTON TRUMBO sorti en 2015, en m' expliquant qu' il avait particulièrement apprécié la qualité des dialogues, à tel point qu' il avait ressenti le besoin de revoir ce film.

Alors, titillé par la curiosité, j' ai moi-même cédé cette semaine à l' envie de visionner ce film.

En voici le sinopsis:

Hollywood, la Guerre Froide bat son plein.
Alors qu’il est au sommet de son art, le scénariste Dalton Trumbo est accusé d’être communiste. 
Avec d’autres artistes, il devient très vite infréquentable, puis est emprisonné et placé sur la Liste Noire : il lui est désormais impossible de travailler.
Grâce à son talent et au soutien inconditionnel de sa famille, Il va contourner cette interdiction. 
En menant dans l’ombre un long combat vers sa réhabilitation, il forgera sa légende.

Alors l' histoire de Dalton Trumbo est quand même assez édifiante.Voilà un scénariste qui n' est coupable de rien d' autre que d' être communiste.Aucune de ses oeuvres n' est directement une apologie du système bolchévique.Ses seules activités militantes sont syndicales, et il va se retrouver en prison, simplement pour se réfugier derrière le premier amendement des Etats-Unis qui protège la liberté de penser  et de réunion.

Voici un extrait traduit de sa vraie déclaration devant la commission des activités anti-américaines que j' ai repêché sur le net:

 

" M. STRIPLING M. Trumbo, je vais vous poser différentes questions, toutes auxquelles on peut répondre par oui ou non. Si vous voulez donner une explication après avoir fait cette réponse, je suis sûr que la commission sera d'accord. Toutefois, afin de mener cette audience de manière ordonnée, il est nécessaire que vous soyez réceptif à la question, sans faire un discours en réponse à chaque question.

M. TRUMBO Je comprends, M. Stripling. Votre travail est de poser des questions et le mien est d'y répondre. Je répondrai oui ou non, s'il me plaît de répondre ainsi. Je répondrai avec mes propres mots. Seul un crétin ou un esclave peut répondre par oui ou non.

LE PRÉSIDENT La présidence est d'accord avec votre argument selon lequel vous n'avez pas besoin de répondre par oui ou non aux questions. Allez-y, M. Stripling.

M. TRUMBO Puis-je... s'il plaît à la présidence, je ne vais pas faire un discours. J'ai seulement des témoignages de personnes responsables concernant la nature de mon travail. J'ai ici vingt documents dont je souhaite qu'ils soient inclus dans le procès-verbal afin que l'on sache quel est mon travail et ce que la commission pourrait chercher à dissimuler au peuple américain dans le futur.

LE PRÉSIDENT Ne faites pas une telle déclaration. Ce n'est pas correct. (...)

M. STRIPLING M. Trumbo, je vais répéter la question : êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ?

M. TRUMBO M. Stripling, le droit des travailleurs américains à des listes de membres secrètes et inviolables a été conquis dans ce pays au prix fort du sang et de la famine. Ces droits sont devenus une tradition américaine. Par la Voix de l'Amérique (station de radio de propagande internationale ­ NDT) nous avons diffusé au monde entier l'affirmation de la liberté de nos travailleurs.

LE PRÉSIDENT Répondez-vous à la question ou faites-vous un autre discours ?

M. TRUMBO Monsieur, je réponds vraiment à la question.

LE PRÉSIDENT Bien, quelle était la question,M. Stripling ?

M. STRIPLING J'ai demandé à M. Trumbo s'il était membre de la Guilde des scénaristes.

M. TRUMBO Vous m'avez posé une question qui vous permettrait de traîner ici tout syndiqué des États-Unis pour qu'il s'identifie comme membre d'un syndicat, de le soumettre à l'avenir à l'intimidation et à la coercition. Ceci, je crois, est une question inconstitutionnelle.

LE PRÉSIDENT Faites-vous un autre discours, ou cela est-il la réponse ?

M. TRUMBO Ceci est ma réponse.

LE PRÉSIDENT Maintenant la question est, M. Trumbo : êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ?

M. TRUMBO M. le président, je ne considérerais pas comme une honte d'être membre d'un syndicat. (...) Mais les syndicats ont droit au secret pour leurs listes de membres.

LE PRÉSIDENT Je reviens à la question : êtes-vous membre de la Guilde des scénaristes ?

M. TRUMBO M. le président, cette question est conçu edans un but particulier. Premièrement... (Le président tape du marteau.)

M. TRUMBO ... Premièrement, il s'agit de m'identifier avec la Guilde des scénaristes ; deuxièmement, il s'agit de chercher à m'identifier avec le Parti communiste et, par là, de détruire cette guilde...

LE PRÉSIDENT (tape du marteau). Refusez-vous de répondre à la question ?

M. TRUMBO Je ne refuserai de répondre à aucune de vos questions, Monsieur.

M. STRIPLING Juste un moment. J'ai quelques autres questions, M. Trumbo, que je voudrais vous poser. Êtes-vous ou n’avez-vous jamais été un membre du Parti communiste ?

M. TRUMBO Je comprends qu'on a donné aux journalistes une prétendue carte du Parti communiste m'appartenant... Est-ce vrai ?

M. STRIPLING Ceci n'est pas vrai.

LE PRÉSIDENT Êtes-vous ou n'avez-vous jamais été membre du Parti communiste ?

M. TRUMBO Je crois que j'ai le droit d'être confronté à n'importe quelle preuve en appui de la question. J'aimerais voir ce que vous avez.

LE PRÉSIDENT Oh, bien, vous le pouvez ! Vous le pourrez, très bientôt. (Rires et applaudissements.) (Le président tape du marteau.)

M. TRUMBO Ceci est le commencement...(Le président tape du marteau.)

M. TRUMBO... D'un camp de concentration américain.

LE PRÉSIDENT Ceci est une tactique typiquement communiste. Ceci est une tactique typiquement communiste (tapant du marteau). (Applaudissements.) "

Cette retranscription fidèle de l' audition de Trumbo est partiellement reprise dans le film de Jay Roach et vous donne une idée du personnage.

Pendant les comparutions devant la cour américaine, la situation dans laquelle se trouve Trumbo et neuf de ses collègues est assez absurde et à la limite de la farce ...sauf que tout ça va se terminer par 1 an de prison ferme, et par une interdiction professionnelle qui durera plus de 10 ans.

L' interprétation de Bryan Cranston est magistrale ( on le connaissait déjà dans la série BREAKING BAD où il est génial) mais ici, il excelle aussi et une bonne partie du film repose sur sa performance pleine de sensibilité, de conviction et d' humanité....Grâce à lui, on supporte quelques longueurs dans le film ( 10 ans d' interdiction c' est long...).

Trumbo a été blacklisté pendant 10 ans.C' est énorme pour quelqu' un qui n' a commis aucun délit...Le film qui, jusqu' à la sortie de prison de Trumbo, est assez dramatique prend ensuite une dimension parfois comique grâce aux tours de passe -passe qui permettront à  celui-ci de travailler sous de faux noms , et même de gagner un Oscar du meilleur scénario sous un nom d' emprunt.Trop beau pour être vrai...et pourtant cet épisode incroyable du film s' est réellement produit.

Le film de Jay Roach nous dresse le portrait d' Hollywood à l' époque du Maccarthisme:d' une part il y a ceux ceux, trop peu nombreux, qui soutenaient Trumbo comme Kirk Douglas ou Otto Preminger...et d' autre part il y a les autres comme John Wayne, Hedda Hopper ( interprétée par une Helen Mirren odieuse à souhait), Ronald Reagan qui n' hésitèrent pas à participer de manière active à la campagne de délation honteuse orchestrée par les partisans du sénateur McCarthy.

Dalton TRUMBO est un film nécessaire qui nous rappelle que notre liberté a été obtenue et acquise grâce à des personnes comme Trumbo qui ne transigent pas avec leurs principes et qui sont prêtes à en payer le prix.

Après avoir vu ce film, je me suis rappelé d' une scène de cérémonie des Oscars durant laquelle Nick Nolte, refusera ostensiblement d' applaudir  Elia Kazan qui avait reçu la statuette pour l' ensemble de son oeuvre.

Sur la vidéo à 2 min 03 secondes....

Elia Kazan avait dénoncé 8 camarades appartenant à une cellule communiste ainsi que 7 syndicalistes devant la commission des activités anti-américaines.

Et à Hollywood, tout le monde n' avait pas oublié...

Mais revenons à Dalton Trumbo.

Le film de Jay Roach critique,dénonce, règle des comptes,mais ne se veut pas excessivement revanchard. Ce film a au moins deux mérites:

1. d' abord celui de nous rappeler que ce triste épisode de l' histoire américaine n' a rien apporté de positif, pas la moindre loi, pas la moindre avancée, mais que par contre il a causé un nombre considérable de victimes qui méritaient bien qu' on leur rende hommage.

2. celui nous rappeler que la liberté n' est pas un acquis éternel et qu' il faut rester vigilant, notamment face aux responsables politiques toujours prêts à créer des paranoïas pour en restreindre son champ.

Dalton Trumbo est finalement un vrai héros comme on les aime et qui incarne dans ce film la conscience de l' Amérique qu' on aime.

 

Dalton Trumbo...une conscience américaine
Dalton Trumbo...une conscience américaine
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commentaires

L
Encore un film que j'ai adoré... il écrivait plongé dans sa baignoire et faisait manger sa famille. Un héros !
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A
Le coup de travailler dans la baignoire est parfaitement authentique puisqu' à la fin du film on voit les photos réelles.<br /> Une façon de travailler très originale.Apparemment, cette façon de bosser immergé inspirait Trumbo...C' était une bête de travail qui s' imposait des rythmes épuisants.Il ne disait jamais non aux réalisateurs et aux producteurs.<br /> Pour la famille ça ne devait pas être toujours facile vu qu' il ne fallait jamais le déranger.Cet aspect est assez bien montré dans le film...
R
Un épisode qui mérite d'être relaté : je ne connaissais pas ce DALTON TRUMBO et son combat pour la liberté... un thème essentiel, oui.<br /> <br /> Belle soirée, AJE
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A
La personnalité de TRUMBO est très attachante dans le film car il a à la fois un caractère profondément humain( c' est un personnage qui a beaucoup d' empathie pour ceux qui l' entourent) mais , en même temps, il est inflexible, sans concessions...L' extrait de la vraie audition que je mets dans l' article est assez savoureux et démontre que le film n' en rajoute pas.<br /> L' histoire lui a donné raison et l' a réhabilité: comme quoi, dans la vie, il ne faut pas avoir peur de se retrouver tout seul contre tous...<br /> Le film ne raconte pas tout.TRUMBO a été obligé de s' exiler au Mexique pendant un certain nombre d' années alors qu' Hollywood était à ses pieds.C' est une histoire vraiment exemplaire:quand on est sûr de son bon droit il faut aller jusqu' au bout..<br /> Bonne fin de soirée l' amie
F
Un épisode bien triste de l'Amérique qui n'est pas sans rappeler ce qui se passe actuellement.<br /> J'avais vu ce film à l'époque<br /> http://fatizo.over-blog.com/2016/05/2-films-que-j-ai-aime-dalton-trumbo-de-jay-roach-et-vendeur-de-sylvain-desclous.html<br /> C'est en effet assez drôle de le voir recevoir l'oscar du meilleur scénario pour Vacances Romaines.<br /> Passionnant aussi de voir le jeune Kirk Douglas résister et imposer Trumbo pour Spartacus.<br /> Quant à cette Hedda Hopper elle était vraiment monstrueuse.<br /> P.S<br /> Il y a un acteur qui semble encore plus choqué que Nick Nolte lors de la remise de l'Oscar à Kazan, voir à 1mn 38 (je n'arrive pas à retrouver son nom)<br /> Bonne nuit l'ami.
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A
Merci pour le lien qui complète mon article.Hier, en écrivant ce billet, je me disais que tu avais attiré notre attention sur ce film qu' il faut voir.<br /> L' acteur qui n' applaudit pas à 1 min 32 est Ed Harris qui fera entre autres un biopic de John Mc Cain sous la direction de Jay Roach( justement !...).<br /> Il y a effectivement une certaine ironie dans le film...Le coup des vacances romaines qui reçoit un Oscar...et aussi, certains dialogues de SPARTACUS sur la liberté où Trumbo a pu mettre beaucoup de lui-même.. Quand l' une des actrices dit à propos de Spartacus que " ce n' était pas un Dieu mais un homme, tout simplement..."<br /> La scène où Hedda Hopper menace l' un des fondateurs de la MGM, Louis Mayer en lui rappelant son vrai nom, ses origines étrangères et juives est complètement authentique. Cecil B de Mille avait fait le même coup en prononçant lors d' un meeting le nom de certains metteurs en scène , en mettant l' accent sur le caractère juif de leurs origines...<br /> Le film n' est pas manichéen et ne réduit pas tout à une histoire de bons et de méchants.Il y a des personnages intermédiaires( comme Edward G.Robinson), entre gris clair et gris foncé, qui ne sont pas d' accord avec la chasse aux sorcières mais qui sont tenus à une certaine discrétion et qui sont obligés de céder partiellement...Etre blacklisté pour un acteur équivaut à une mise à mort professionnelle, alors qu' un scénariste peut encore travailler dans l' ombre...On peut faire une différence entre ceux qui ont fini par céder contre leur gré aux énormes pressions qu' ils ont subi, et ceux qui ont participé activement à cette ignominie.<br /> Bonne journée l' ami<br /> PS. assez drôle la scène où Trumbo, ironique, demande à John Wayne( plus maccarthiste que MacCarthy et qui n' arrête pas de dire en montant à la tribune que " nous avons libéré notre pays de ses ennemis"...) dans quelle unité il a combattu, exactement...?