Bonjour les amis,
Au fur et à mesure que nous avançons dans la vie, la mort des êtres proches nous frappe tous de manière singulière, aléatoire et chacun essaie de les appréhender, de vivre sa solitude, en gardant un sens à sa propre vie.
E la nave và...le navire de la vie continue.
Aujourd' hui, je viens de lire dans EL PAIS un court billet de Fernando Savater ( un philosophe espagnol que j' aime beaucoup) qui est particulièrement sombre, un billet écrit pour le deuxième anniversaire de la disparition de son épouse.
On pouvait s' attendre à ce que philosophe armé de sa seule sagesse acquise au cours d' une longue vie accepte de manière stoïque les durs aléas du destin.Mais son billet paru aujourd' hui a une autre teneur.
Le voici d' abord en espagnol, suivi d' une traduction que j' ai faite en français, assez imparfaite, mais qui en résume le contenu.
De Emanuel Swedenborg, al que Kant llamó “visionario”, cuenta Borges que “hablaba con los ángeles por las calles de Londres”. Aunque fue un científico notable (hizo los planos de un avión y un submarino, descubrió el funcionamiento de las glándulas endocrinas, lanzó la hipótesis de la formación nebulosa del Sistema Solar, etcétera...), su verdadera especialidad fue el Mas Allá, la posvida en el Cielo y el Infierno. Explicó que al comienzo los condenados no son conscientes de su muerte y creen que continúan en su esfera cotidiana: les rodean los muebles y utensilios familiares, los paisajes conocidos. Poco a poco, van produciéndose desapariciones —la butaca favorita, el piano, una ventana, las flores del jardín...— y luego surgen en lugar de lo desvanecido formas equivocadas o amenazadoras. Por fin se dan cuenta de que no están en casa sino en el Infierno y empieza su eterna condena.
Creo poder confirmar esta tesis de Swedenborg. Hace tiempo que las cosas de mi mundo se van difuminando, pierden sustancia. Los libros siguen presentes y tentadores, pero al abrirlos algo ha drenado su savia hasta dejarlos huecos, exánimes. Las películas nuevas son peores que las antiguas, las antiguas peores de lo que las recordaba: sentado ante el televisor con desasosiego ya no siento la expectativa feliz porque ahora nadie apoya sus pies en mi regazo. Se fue el disfrute... Y los sitios que recorrimos juntos están hoy cubiertos de sudarios, como esas sábanas que tapan las formas incómodas de los muebles en una casa abandonada. Los platos más sabrosos, crujientes, aromáticos... comienzan a deleitarme la boca pero luego adquieren insipidez y amargura de ceniza. Llega el infierno y se revela mi condena, la más atroz: creer que estoy vivo y que es ella la que ha muerto. Hoy hace ya dos años.
D' Emanuel Swedenborg, que Kant appella le «visionnaire», Borges raconte qu' il « parlait avec les anges dans les rues de Londres." Bien qu'il fut un scientifique remarquable (il a imaginé des plans d'un avion et d' un sous-marin, découvert le fonctionnement des glandes endocrines, lancé l'hypothèse de la nébuleuse formation du système solaire, etc ...), sa vraie spécialité était l'au-delà, et la post-vie au ciel et en enfer. Il a expliqué que les condamnés commencent par ne pas être conscients de leur mort et continuent de croire en leur sphère quotidienne: les meubles autour d'eux et les ustensiles de la famille, des paysages connus. Peu à peu, ils se produit des disparitions: la chaise préférée, le piano, la fenêtre, les fleurs de jardin ...- puis émergent plutôt que des dissipations des formes fausses ou menaçantes . Enfin, ils se rendent compte qu'ils ne sont pas à la maison, mais en enfer et commence leur damnation éternelle.
Je pense que je peux confirmer cette thèse Swedenborg. Ça fait longtemps que les choses de mon monde sont devenues floues, perdent de leur substance. Les livres sont toujours présents et tentants, mais lorsqu'ils sont ouverts quelque chose a drainé leur sève jusqu'à ce qu'ils ne deviennent creux, sans vie. Les nouveaux films sont pires que les anciens, et les anciens pires que le souvenir que j' en gardais: regarder la télévision en ne ressentant plus l'anticipation heureuse de ta présence à mes côtés me met mal à l' aise. Le plaisir s' en est allé ... Et nous avons marché ensemble dans des sites qui sont maintenant couverts de linceuls, comme ces draps qui couvrent les formes encombrantes de meubles dans une maison abandonnée. Le plus savoureux, croustillant, aromatique des plats commence par ravir le palais puis acquiert la fadeur et l'amertume de cendres.Mon enfer est arrivé et ma condamnation la plus atroce est révélée: je crois que je suis en vie et que c'est elle qui est morte. Aujourd'hui, il y a deux ans.
Savater reprend la métaphore de Swedenborg pour nous peindre une vision cauchemardesque de l' absence de l' autre et de la solitude.
Chacun a sa propre histoire, et j' espère que la mienne ne se paraîtra jamais à celle-ci, que je ne connaitrai jamais ce sentiment de dévastation.
Le souvenir des être aimés et perdus m' alimente encore, me réchauffe le coeur, m' aide à vivre.
Et j' espère rester vivant jusqu' à la dernière seconde.
Il paraît que François Mitterrand, déjà très malade, aimait se promener en respirant profondément l' air frais des matins clairs, en s' exclamant: " Que c'est bon ! "
Cette semaine, j' ai appris la disparition du père d' une de mes amies, à l' âge de 93 ans, sur son motoculteur.
Vous imaginez ça ? mourir en cultivant la Terre...Quel don du ciel !...Quelle bénédiction..!
Ce monsieur avait connu la douleur de perdre son épouse quelques années auparavant, mais il a continué à travailler la terre.Et si c' était lui le vrai philosophe ?