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19 octobre 2015 1 19 /10 /octobre /2015 19:53

AVERTISSEMENT: ce billet révèle une des scènes-clés du film FURYO.

Bonjour les amis,

Aujourd'hui j'ai envie de vous parler de FURYO, du réalisateur japonais Nagisa Oshima, que j'ai vu lors de sa sortie en 1983.Je n'avais jamais revu ce film depuis lors et pourtant certaines scènes et situations sont restées définitivement gravées dans mon esprit, et notamment l'une d' entre elles sur laquelle je reviendrai toute à l' heure. J'ai juste pris la précaution de revisionner le film hier soir avant d'écrire ce billet.

Parlons de l'oeuvre d'abord, inspirée de deux ouvrages autobiographiques de Laurens van der Post : The Seed and the Sower (1963 ; littéralement : Le grain et le semeur) et The Night of the New Moon (1970 ; littéralement : La nuit de la nouvelle lune).

Voici ce que dit du film l'encyclopédie Wikipedia:

Le film raconte les relations interpersonnelles et les différences culturelles entre quatre hommes dans un camp de prisonniers japonais à Java durant la Seconde Guerre mondiale en 1942. Les personnages sont le major Jack Celliers (David Bowie), un prisonnier rebelle tourmenté par un secret coupable de jeunesse, le capitaine Yonoi (Ryūichi Sakamoto), le jeune commandant du camp entièrement dévoué à son pays, le lieutenant colonel John Lawrence (Tom Conti), un officier britannique qui a vécu au Japon et parle couramment le japonais, et le sergent Hara (Takeshi Kitano), qui semble être une brute mais qui possède encore un peu d'humanité et entretient une relation privilégiée et amicale avec Lawrence, rendue délicate du fait des conditions de guerre.

Le film aborde le thème du choc des civilisations dans un contexte particulièrement violent qui est celui d'un camp de prisonniers durant la seconde guerre mondiale. Le lieutement-colonnel John Lawrence parle couramment le japonais et sert de traducteur. Mais en fait, il est le seul personnage qui connaît les deux cultures et qui peut apporter un peu d'intelligence dans les rapports entre les anglais et leurs geôliers. Son rôle est particulièrement difficile car il y a de chaque côté deux cultures très fortes, pleines de préjugés et d'échelles de valeurs complètement distintes, quand elles ne sont pas directement opposées.

Les japonais traitent leurs prisonniers comme des lâches étant donné que pour eux, un officier qui a de l'honneur ne se rend jamais et préfère mourir. Un noble guerrier n'a pas peur de la mort et la préfère plutôt que de subir la honte d' être pris. Bien évidemment les anglais ont un point de vue tout à fait différent. Pour eux la guerre n'est pas terminée et il est hors de question de renoncer à l'idée d'une victoire finale...Ils ont perdu une bataille mais pas la guerre.

Le film parle du relativisme culturel et moral. Ce qui est blanc pour les uns est noir pour les autres et vice-versa. Le bien, le mal, l'honneur,la justice, le traitement humain des prisonniers sont perçus différemment de chaque côté.

Lawrence, le traducteur, essaie tout au long du film d'arrondir les angles, d'améliorer la cohabitation, d'éviter des horreurs inutiles et, finalement (et c' est le COMBLE) c'est lui (c' est à dire le personnage le plus humain et le plus intelligent) qui est finalement suspect tant aux yeux des japonais, que de ses compatriotes un peu butés qui le considèrent parfois comme un traître.

Le film montre bien à quel point les personnes trop imbues de la suprématie de leur culture sont foncièrement incapables de s'adapter à autre chose qu' à l'ordre impérialiste ou impérial dans lequel ils ont toujours vécu. La culture nationale et patriotique est parfois une façon de court-circuiter la pensée et de la rendre incapable de s'adapter à autre chose que ce qui a été inculqué dès le plus jeune âge sur les bancs de l'école.Elle devient une forme d'autisme et d'incommunication. La prouesse du film tient dans le fait que cette incapacité de communiquer est réciproque et marche dans les deux sens.

Le film fait penser à une réflexion que je me suis souvent faite moi-même: "A quoi ça sert d' avoir raison si je ne suis pas capable de le démontrer...". Face au fanatisme et aux préjugés la raison est parfois insuffisante. La stupidité et la violence sont toujours le chemin le plus court . Les personnes intelligentes comme Lawrence souffrent alors que celles qui sont butées vivent plus confortablement protégées par leur bêtise.

Le personnage de Lawrence est assez habile malgré tout et arrive parfois à instiller le doute. tant du côté japonais que du côté anglais.

Il y a aussi dans ce film une action secondaire qui est absolument remarquable. Jack Celliers (interprété par Bowie) qui est un brillant officier britannique va devoir affronter la mort, et avant qu' elle ne vienne le prendre il se sent hanté par un souvenir coupable. Quand il était jeune il s'était interposé pour défendre son jeune frère bossu d'agressions de jeunes bandes rivales. Le jeune frère paniqué était allé chercher secours auprès du pasteur et Celliers lui en a fait plus tard le reproche. Le jeune frère est atterré car il sent que son grand frère adoré a un peu honte de lui. Plus tard quand Jack Celliers est au lycée en terminale son jeune frère fait sa rentrée et doit subir un bizutage. Jack aurait pu intervenir pour lui éviter cette humilliation mais il a préféré laisser les choses suivre leur cours. Son très jeune frère avait une voix merveilleuse et ne chantera plus jamais après cet épisode traumatisant....Peu avant de s'éteindre Jack Celliers a des visions. Il retourne en rêve dans le jardin de leur enfance et voit son jeune frère arroser les fleurs .Il s' approche et lui demande pardon et son frère lui dit que tout va bien et qu' il n'a pas à s' excuser. On sent que le jeune frère admire et aime le grand frangin malgré la trahison...Il chante de nouveau pour lui.

Celliers sait qu'il a commis une faute impardonnable, qu'il a eu honte de son jeune frère à cause de sa malformation et que celui-ci l'a ressenti. Plus tard Celliers est devenu un brillant avocat et s'est éloigné de son jeune frère qui s' est occupé de la propriété des parents.C'est une grave faute d'orgueil et de manque d'amour qu'il ne peut réparer avant de mourir.

Voici cette scène qui m' a vraiment marqué...son frère lui pardonne et lui chante cette mélodie de l'enfance...seulement voilà, cette scène est rêvée...ce sont les dernières hallucinations d'une personne qui va mourir et qui n' a trouvé ni la paix ni le pardon. La guerre et la mort ne lui donneront pas l'occasion de réparer...Rarement je n' ai vu une scène qui précède la mort aussi intense.

Notez la voix magnifique du petit frère à 1 minute 36 secondes

Je vous remets l'adresse youtube au cas où on ne pourrait voir la vidéo à partir de mon blog.

https://www.youtube.com/watch?v=8EdHxza0k6w

J' aimerais vous dire que ce film recèle d'autres richesses, que le titre anglais " Merry christmas Mr Lawrence" fait référence à une scène assez époustouflante que je ne révèlerai pas , et que la fin du film est inattendue et absolument bouleversante. J'ai eu les larmes aux yeux, et même encore maintenant, cette scène finale je la trouve sublime et pleine d'humanité et de dignité.

J'aimerais juste ajouter également que l'interprétation pleine de sensibilité de Tom Conti en traducteur toujours pris entre deux feux est tout simplement géniale.

Allez, je vous laisse avec la superbe musique du film écrite par Sakamoto qui joue le rôle du capitaine Yonoi...notez les magnifiques percussions sur les bambous (à partir de 55 secondes)

La revoici interprétée en direct par le maître...

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commentaires

L
J'espère qu'il reviendra au cinéma pour l'apprécier sur très grand écran... comme j'ai eu l'occasion de voir d'autres vieux films.<br /> C'est donc important de demander pardon avant le jour J !<br /> Merci l'ami
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A
Je doute que tu puisses le voir au ciné.Le film passe très bien sur un grand écran télé comme le tien...Tu ne verras pas les 2 heures passer.<br /> Quand aux tourments de Jack Celliers, on les comprend bien.Il est brillant, courageux et il a une certaine classe.<br /> Son jeune frère infirme avait besoin de lui et surtout de son amour et Celliers sait qu' il l' a trahi et que c' est tout simplement impardonnable.On comprend parfaitement dans le film que les dernières visions de Celliers soient celles qu' on voit dans la scène que j' ai mis en lien.<br /> Il faut que tu voies ce film l' ami...n' oublies pas qu' il y a une scène finale dont je n' ai pas parlé mais qui, à elle seule, mérite de voir cette oeuvre.<br /> J' ai essayé de trouver une traduction du roman de Van der Post mais apparemment il n' est disponible qu' en anglais...mais le film donne sacrément envie de lire ses mémoires.<br /> Bonne fin de journée l' ami
F
Bien sur on ne peut s'empêcher de penser au monde occidental qui par ses guerres cherchent continuellement à imposer un modèle et une pensée non adaptés à des millénaires d'une culture totalement différente.<br /> On voit aussi que notre passé, nos erreurs, nos réussites, nos influences, nous font faire parfois des choses que l'on regrette par la suite. Il n'est pas toujours simple d'avoir la bonne réaction au bon moment.<br /> Combien de fois il m'arrive de me dire j'aurais du faire ça, j'aurais du lui dire ceci. Et puis après il est trop tard, on se trouve stupide.<br /> https://www.youtube.com/watch?v=ojiv_MDHD7A<br /> Bonne soirée l'ami.
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A
Bonsoir Fatizo,<br /> <br /> Dans le film l' incompréhension est parfaitement réciproque.Le metteur en scène japonais n' est pas complaisant avec ses compatriotes.<br /> <br /> Et il donne le beau rôle à Lawrence qui est un occidental. Il ironise aussi sur le système de valeurs des japonais.L' ordonnance du commandant YONOI dit à Lawrence que pour lui la mort n' est pas un problème, qu'en fait il est déjà mort et qu' il a donné sa vie à 17 ans le jour où il entré dans l' armée impériale.<br /> <br /> Mais Lawrence lui dit avec un sourire ironique: " Oui mais en attendant, tu es quand même vivant..."<br /> <br /> Dans le film les anglais sont du bon côté puisqu' il s' agit de la deuxième guerre mondiale et de la lutte contre le fascisme. Simplement il faut savoir traiter de manière intelligente avec l' ennemi et ce n' est pas toujours le cas...choc de civilisations.Incapacité de comprendre d' autres cultures que la sienne et d' imaginer le monde avec les yeux de l' autre.<br /> <br /> Enfin le passage sur le poids de la culpabilité et l' immense regret d' une personne à l' aube du jugement dernier est tout simplement filmée de manière magistrale.Cette scène est très forte...oh les regrets, les regrets, les regrets...que c' est dur de partir en ayant trahi ceux qui nous aimaient et de ne pas avoir été à la hauteur de leur amour.<br /> Bonne fin de soirée l' ami
R
Je n'ai pas vu ce film mais les thèmes abordés sont plus que jamais d'actualité... les différences de culture, le fanatisme qui annihile la pensée.... Les films japonais sont souvent surprenants, car la culture japonaise est particulière, très éloignée de la nôtre.<br /> En tout cas, un film qu'on a envie de voir.<br /> <br /> Belle soirée, AJE
Répondre
A
Oui le film reste très moderne.Le choc des civilisations, on peut dire qu' on est en plein dedans.<br /> A un moment Lawrence dit à un officier japonais: " J' essaie de ne pas vous haïr..."<br /> C' est une phrase qu' on pourrait appliquer à plusieurs situations actuelles.<br /> Il y a des scènes de FURYO qui ont dû être vécues.Par exemple, les officiers japonais s' entrainaient aux arts martiaux près de l' hôpital du camp mais leurs cris éprouvaient très sérieusement les nerfs des malades anglais .Lawrence essaie d' expliquer gentiment au capitaine Honoi que leurs cris mettent les nerfs des prisonniers à bout, et le capitaine accepte l' argument tout en étant très sincèrement surpris...<br /> Le film parle aussi de certains militaires japonais qui ont été condamnés mais qui n' avaient pas enfreint leur code d' honneur...La fin du film est très troublante et bouscule.Ce n' est pas comme le procès de Nuremberg avec la fin des méchants nazis.C' est plus compliqué...plus relatif...ça oblige à être un peu plus intelligent et humain.<br /> Bonne fin de soirée l' amie