Bonjour les amis,
J' ai vu cette semaine le dernier film du metteur en scène mexicain Guillermo del Toro intitulé LA FORME DE L' EAU, un film dont on parle beaucoup et qui a récolté déjà de nombreux prix.
Lauréat du Lion d'Or au Festival de Venise 2017, La Forme de l'eau a également reçu 2 Golden Globes (ceux du meilleur réalisateur et de la meilleure bande originale) ainsi que 13 nominations aux Oscars.
Voici le sinopsis.
Durant la Guerre froide en 1962 Elisa,muette, travaille comme agent d'entretien dans un laboratoire où est retenu prisonnier un homme amphibien. La jeune manutentionnaire tombe alors amoureuse de la créature. Avec l’aide de son voisin, elle décide de le libérer. Elle ignore cependant que le monde extérieur pourra être aussi dangereux pour lui ...
Alors ce conte fantastique nous fait penser à des contes antérieurs bien sûr, à commencer par celui de LA BELLE ET LA BÊTE, sauf que cette fois-ci la bête ne se métamorphosera pas en beau prince charmant.
On pense aussi aux films américains des années 50 avec des monstres qui étaient un peu kitsch à l' époque, comme dans L' ETRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR...
Le film se situe en 62 .C' est l' époque de l' american way of life triomphante.
Elisa vit seule,de manière marginale, accompagnée seulement par son vieux voisin.Elle adore les comédies romantiques musicales en noir et blanc.Il lui arrive parfois d' éxécuter quelques claquettes pour apporter un peu de sel et de magie dans son quotidien terne et un peu glauque...Elisa est un personnage dans la lignée d' Amélie Poulain, une muette qui s' exprime par le langage des signes et qui va initier en secret une relation avec le " monstre"...Elisa, étant elle-même marginalisée par son handicap, a de l' empathie pour la créature amphibienne et sait communiquer avec elle de manière intuitive et sensible .
L'histoire se passe en pleine guerre froide avec des personnages volontairement très stéreotypés: le colonel buté,brutal,dominateur,macho,inquiétant à souhait, patriote, qui croit en Dieu et en l' Amérique, les agents russes infiltrés et comploteurs,les scientifiques qui travaillent dans des labos secrets, etc...
L' esthétique très vintage années 50 n' est pas sans rappeler l' univers de Jean Pierre Jeunet, celui de Tim Burton et aussi celui de la bande dessinée.Le travail sur la photo est extraordinaire et souligne bien le caractère des personnages ( notamment la brutalité du colonel, la douceur et l' humanité d' Elisa, etc...).
Le film joue sur plusieurs registres: la terreur,le fantastique, la magie, la poésie, ...
C' est un cinéma bourré de clins d' oeil et de références.
Le scénario, fait d' actions et de rebondissements assez prévisibles, copie les films fantastiques américains des années 50, sauf que le regard du réalisateur est décalé et nous fait appréhender en arrière fond tout le substrat idéologique qui anime les personnages .Leur volonté de faire triompher leur modèle de société ( blanc, impérialiste,chrétien traditionaliste,anticommuniste,consumériste, etc..) leur fait commettre des actes cruels et monstrueux sans l' ombre d' une hésitation,sans le moindre sentiment de culpabilité, convaincus qu' ils sont d' être du côté de Dieu, du bon Droit et de la civilisation.Le film est à deux degrés de lecture et possède toujours une ironie sous-jacente...LA FORME DE L' EAU est donc aussi un conte philosophique, une métaphore.
Ce n' est pas un hasard si c' est la petite femme de ménage handicapée qui va rompre l' ordre établi par toute une structure pyramidale et hiérarchisée de pouvoir autoritaire.
A noter que Del Toro pimente son récit en abordant la sexualité de ses personnages...cela peut-être tour à tour doux-amer,moqueur,caricatural, tendre ou ironique...ou merveilleux.
Et puis, il y a quelques scènes réellement magiques dans le film, des moments de grâce où on flotte dans l' élément liquide ( d' où le titre)...
LA FORME DE L' EAU nous narre une histoire mille fois racontée, sauf que le traitement original et délicieusement subversif de Del Toro sait renouveler le genre, tout en s' inscrivant dans une tradition cinématographique.
L' esthétisme créé par Del Toro s' appuyant sur une grande photographie de Dan Laustsen est le premier atout de son film.Il nous recrée une belle vision retravaillée des années 60.C' est une esthétique qui est parfaitement en adéquation avec le propos du réalisateur et le regard qu' il porte sur ces années-là.
Le casting est parfait, et il faut souligner la grande prestation de Michael Shannon en colonel maléfique.L' interprétation simple et sincère de Sally Hawkins ( qu' on connaissait depuis BLUE JASMINE) est pour beaucoup dans le fait que le film "fonctionne" et que finalement on accroche à l' histoire...