Voici la présentation de l'éditeur:
Au soir de sa vie, Boris Bajanov se décide à parler et il apporte le témoignage unique de celui qui, pendant plusieurs années, entrait librement dans le bureau de Staline et l'a vu éliminer ses rivaux : Trotski, Zinoviev, pour devenir maître absolu de l'U.R.S.S. Né en 1900, Bajanov connaît une carrière fulgurante, due à son génie d'organisateur. C'est à vingt-trois ans qu'il est nommé collaborateur particulier de Staline, avec le titre de «secrétaire du Politburo». Il organise toutes les séances de cette instance suprême du Parti et connaît tous les secrets. Bajanov voit de près Molotov, Zinoviev, Trotski, Kaménev, Boukharine, Litvinov, Iagoda, Radek... Il découvre peu à peu un pouvoir qui se fonde sur des dizaines, des milliers, bientôt des millions de morts. Comme dans Shakespeare, le bouffon côtoie le tragique. Les affrontements entre grands personnages du régime donnent souvent lieu à des scènes burlesques.
En 1928, Bajanov fuit l'U.R.S.S., et son escapade, par l'Iran et l'Inde, est à elle seule un roman. Émigré en France, il réussit à échapper aux tueurs de la Guépéou. Au secrétariat du Politburo, il est remplacé par Malenkov, qui succédera à Staline.
Chaque page de ce livre étonne, tant la vérité vue de près peut être inimaginable.
La présentation du livre est tout à fait correcte. On navigue sans cesse entre la tragédie et la bouffonerie avec toute une galerie de personnages profondément immoraux, certains d'entre eux. comme Grigori Kanner, étant par ailleurs des monstres criminels sans le moindre scrupule.
Le livre de Bajanov nous plonge au coeur de la lutte de succession pendant la maladie de Lénine et à sa mort.
Bajanov nous décrit un Staline profondément inculte, mauvais orateur, souvent rustre, qui n'est pas vraiment intelligent mais plutôt rusé, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Rien ne semble le passionner si ce n'est la soif de pouvoir.
Staline était extrêmement roublard. Au dire de Boris Bajanov, il disposait de quatre téléphones, et, dans l’un des tiroirs deson bureau, un autre était caché qui lui permettait d’écouter les conversations de dizaines de dirigeants communistes parmi les plus influents : sans passer par le standard du Kremlin, il avait directement accès à toutes les informations, ce qui devait l’alerter sur toute manigance ou complot dirigé contre lui . Ses secrétaires particuliers, comme Lev Mekhlis et Grigori Kanner, mettaient à exécution ses desseins les plus douteux. Avec ses adversaires, il était impitoyable : lorsque Kamenev l’interrogea sur la façon d’obtenir la majorité au parti, il lâcha d’un ton méprisant :
« Vous me demandez ce que j’en pense ? Eh bien, pour moi,savoir qui vote quoi n’a aucune espèce d’importance. Ce qui est primordial, c’est le décompte des voix et la publication des résultats! ». Il sous entendait par là qu’il s’attendait à ce que l’appareil du parti truque le vote s’il se révélait être en sa défaveur.
Staline, contrairement à Trotski, ne fera jamais preuve du moindre courage lors des épisodes qui amèneront la révolution russe de 17. Petit propagandiste révolutionnaire il se tient toujours prudemment à l'arrière-plan.
Mais ce qui frappe dans le témoignage de Bajanov c'est que les nombreux défauts de Staline, qu'il décrit très bien, finissent par servir ses desseins.
Lénine l'avait introduit au comité central car il ne craignait aucune concurrence de la part de cet homme peu cultivé et politiquement sans envergure. Mais c'est pour cette même raison que Zinoviev et Kamenev l'ont fait secrétaire général du parti: ils le considéraient comme politiquement insignifiant, voyaient en lui un adjoint commode, mais non un rival.
Donc, c'est grâce à son apparente médiocrité et incapacité qu'il s'alliera les appuis de tous ceux qui prétendront succéder un jour à Lénine. Mais c'est lui qui, à la fin, deviendra le maître incontesté du Kremlin.
Dans le livre de Bajanov, tous ceux (ou presque) qui permettront à Staline d'accéder au pouvoir finiront soit fusillés, soit avec une balle dans la nuque lors des purges de 1938. On est parfois pris de vertige et atteint littéralement de nausée à la lecture de ce bouquin...
Tout collaborateur de Staline au courant de secrets inavouables se retrouve de facto en danger, et tôt ou tard, Staline le fera disparaître car il pourrait devenir un témoin gênant. Rarement dans l'histoire de l'humanité un tyran sera entouré de collaborateurs aussi serviles, la servilité étant la seule manière de survivre dans le système stalinien.
En lisant ce livre on pense à la chanson de Béart: " Le premier qui dit la vérité, il doit être éxécuté..."
Et quand on parle d'éxécutions sous Staline on ne parle pas que de quelques cas. Il est le plus grand criminel de tous les temps avec Hitler.
Un dernier détail. Hitler était un monstre sanguinaire mais savait être reconnaissant avec ses plus proches collaborateurs (qui étaient aussi monstrueux que lui).
Rien de tel avec Staline qui était profondément et viscéralement déloyal même, et surtout, avec ceux qui s'étaient sacrifiés pour lui.
Bajanov dans son livre lui prête cette phrase abominable:
" La gratitude est une maladie dont souffre les chiens".
PS: Boris Bajanov dresse des portraits très différenciés des leaders de la révolution russe qui n'ont pas du tout la même approche de ce que doit être le processus révolutionnaire. Mais dans son témoignage il y a un point commun qui frappe l'esprit: tous les leaders, que ce soit Lénine, Staline, Trotski, Zinoviev, Kamenev, etc... considèrent qu'une personne jugée contre-révolutionnaire mérite la peine de mort. Rien que ça ! Et, à l'époque, il ne fallait pas grand-chose pour être considéré comme contre-révolutionnaire.
PS nº 2 : Les premières révélations de Badajov sur la nature de la tyrannie stalinienne furent publiées en France en 1930. Il faudra attendre 1956 pour que lors du XX ème congrès du PCUS soient reconnus timidement une petite et infime partie de ces crimes qui sont aujourd'hui estimés entre 10 et 20 millions si on compte les éxécutions, les décès dans les goulags , les famines provoquées par l'homme et les déportations massives.