Black box diaries, un documentaire poignant sur le premier #MeeToo japonais

Publié le 4 Mai 2025

Bonjour les amis,

J'ai vu le film-documentaire de Shiori Ito, une journaliste japonaise qui a été victime d'un viol en 2015.

Voici le synopsis suivi de la bande-annonce.

Depuis 2015, Shiori Itō défie les archaïsmes de la société japonaise suite à son agression sexuelle par un homme puissant, proche du premier ministre. Seule contre tous et confrontée aux failles du système médiatico-judiciaire, la journaliste mène sa propre enquête, prête à tout pour briser le silence et faire éclater la vérité.

Le titre du film dont la traduction serait "Les carnets de la Boîte Noire" mérite une petite explication assez édifiante. Lorsque Ito s'est rendue à la police après l'agression, on lui a répondu que sa plainte était une « boîte noire » : l'affaire s'était déroulée à huis clos et était donc irrecevable. Apparemment les prédateurs ont pris bonne note de ce lamentable état de fait.

Ce film est un documentaire très particulier, très émouvant, assez poignant, dans lequel c'est la victime qui décide de prendre sa caméra au poing et de nous faire vivre sur plusieurs années sa bataille quotidienne pour sa dignité, pour que justice lui soit rendue, pour que triomphe la vérité et que cessent des pratiques coupables dont sont victimes certaines femmes japonaises.

Shioro témoigne et interpelle la société toute entière sur la manière avec laquelle elle a été traitée  ou plutôt maltraitée par la police et par la justice de son pays. 

On apprend dans son film qu'au Japon le non-consentement n'est pas un argument suffisant pour qualifier un abus de viol: la victime doit prouver qu'il y a eu menaces ou violences physiques.

Au Japon les études indiquent que seulement 4% des cas de viols sont dénoncés devant la police. 4%, autant dire que ces cas sont les exceptions qui confirment la règle du silence honteux qui entoure ces crimes.

En maintenant sa plainte contre son agresseur Ito joue gros car, quelque soit l'issue du procès sa vie professionnelle et sociale risque d'en être détruite ou, dans le meilleur des cas, complètement bouleversée. Pour beaucoup elle sera et restera avant tout "la violée" et pour d'autres elle sera "la pute"...

Je ne vais pas dévoiler les détails de l'enquête mais Shiori montre que de très graves irrégularités ont été commises de la part du chef de la police de Tokyo dont on peut supposer qu'il a cédé à des pressions "venues d'en haut".

Ce qui apparaît également dans le documentaire c'est le fort impact social qu'aura cette affaire. Le premier ministre sera interpellé au parlement sur le déroulement irrégulier de cette affaire et aussi sur le fait que la loi devrait évoluer (notamment sur la définition du viol).

 Il y a toujours une première fois et Shioro Ito sera historiquement le premier #MeeToo japonais.

Dans ce documentaire on voit comment la société nippone se déchire entre celles et ceux qui soutiennent Shioro Ito et qui pensent que l'heure est arrivée de de ne plus avoir peur de dénoncer publiquement les abus sexuels et celles et ceux qui pensent que Shiori Ito essaie de se faire de la publicité à bon compte en portant atteinte à l'image d'un personnage puissant proche du premier ministre.

On sent bien à la fin du documentaire que cette affaire va impacter profondément la société: tout ne sera plus jamais comme avant et, rien que pour ça, Shiori Ito mérite tout notre profond respect.

Son combat pour la vérité et pour la dignité des femmes touche profondément le spectateur. Je précise que ce documentaire n'est pas un brûlot caricatural contre tous les hommes en général car certains des intervenants et des témoins masculins la soutiennent aussi dans sa lutte pour la vérité.

L'intérêt du documentaire est aussi de nous faire mieux connaître le Japon qui est un mélange improbable de grande modernité technologique dans un monde fortement traditionnel, très pudique, dans lequel certaines questions sont difficilement abordables. C'est aussi justement cette grande pudeur des asiatiques qui protège les prédateurs.

Il faut savoir enfin que ce documentaire fait suite à un livre que Shiori Ito avait publié en 2019 et intitulé LA BOÎTE NOIRE. L'événement et les remous  provoqués par la sortie du livre sont relatés dans le documentaire. Voici un extrait du bouquin qui donne le ton. 

"Mais je ne me suis jamais sentie en danger lors de mes séjours et reportages dans ces régions reculées. C'est ici au Japon, le pays où je suis née, ce pays réputé pour être l'un des plus sûrs d'Asie, que j'ai connu l'insécurité. Et ce qui a suivi le viol a achevé de m'anéantir. Je n'ai trouvé de secours nulle part. Ni les hôpitaux, ni les lignes d'assistance téléphonique, ni la police ne m'ont apporté leur aide. J'ai découvert avec effarement un visage inconnu de la société où javais vécu jusque-là."

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L
C'est incroyable, il est sorti le 12 mars et je l'ai loupé.
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A
Oui il est récent. Il y a peu de films qui ont vraiment retenu mon attention et celui-là en fait partie car on parle très peu du Japon en général. Il y a bien dans le sujet abordé de la prédation sexuelle des constantes universelles qu'on retrouve un peu partout sur la planète mais il y a aussi une manière culturelle différente de l'aborder d'un pays à l'autre. Le Japon se met au diapason et abandonne peu à peu certains archaïsmes qui apparaissent dans le documentaire...
R
Un viol sous soumission chimique : décidément un phénomène qui se propage avec la diffusion des drogues. Ce qui est terrible, c'est que la victime de viol devient quasiment coupable de ce qui lui est arrivé.<br /> Et même en France, 75 000 femmes sont violées chaque année, en moyenne, une, toutes les huit minutes. Ce chiffre est loin de refléter la réalité, car il ne comptabilise ni les mineures, ni les femmes qui n'ont jamais déclaré le viol qu'elles ont subi. On estime, en effet, que seulement 10% des victimes portent plainte...<br /> <br /> <br /> https://rosemar.over-blog.com/article-la-france-pays-du-viol-124899491.html<br /> <br /> <br /> La peur paralyse encore les femmes.
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A
Merci pour ton article qui indique qu'en France les chiffres bruts sont importants et que seulement 10% des femmes portent plainte. Au Japon c'est encore moins de la moitié, autant parler d'une loi non-écrite du silence sur ces crimes.<br /> La peur paralyse les femmes et le documentaire de Shiori Ito qui couvre plus de 4 ans de sa vie permet de se rendre compte des terribles conséquences personnelles que supposent un dépôt de plainte: menaces, pressions, bouleversement de la vie familiale et sociale,etc...Il lui a fallu beaucoup de courage pour ne pas renoncer.<br /> Ce matin j'ai parlé de ce documentaire à ma fille qui travaille dans la police nationale et elle m'a dit qu'elle ne veut pas le voir, qu'elle est suffisamment confrontée à ce type d'horreurs et que ça lui retourne les tripes ...