Guerre en Ukraine ou quand la stratégie de l'Occident est devenue illisible...

Publié le 7 Mars 2024

Bonjour les amis,

Je suis peu suspect  de sympathies poutiniennes et j'ai toujours été en faveur d'un appui inconditionnel aux ukrainiens qui défendent leur intégrité territoriale, mais face à l'enlisement du conflit et à l'impossibilité technique de reconquérir les espaces repris par les russes l'heure est sans doute venue de repenser le rôle qui devrait être celui de l'occident.

Je vous engage, avant d'aller plus loin, à écouter une conférence du général allemand en retraite Harald Kujat sur le lien youtube ci-dessous. Je remercie au passage Caius qui m'a communiqué l'existence de cette vidéo. Ça dure 47 minutes mais ça vaut la peine de prendre son temps et d'écouter ce qui dit Kujat.

https://www.youtube.com/watch?v=w9q8oM1s3DU&t=389s

Le général expose d'abord le contexte international et historique dans lequel s'est effectuée l'agression contre l'Ukraine. Son point de vue me paraît souvent pertinent mais incomplet et je ne suis pas aussi affirmatif que lui sur le non-désir d'expansion ou d'influence de la Russie sur le continent eurasiatique. Je continue de croire qu'il y a une énorme différence entre les intentions affichées de Poutine et les faits.

Mais là n'est plus le problème aujourd'hui.

Si on s'en tient à l'aspect purement militaire du conflit le général démontre que les ukrainiens ne seront jamais en position de reconquérir leurs espaces volés par manque de munitions d'abord mais surtout par manque de combattants. L'arithmétique est obstinée et ne va pas en leur faveur.

Kujat n'est pas le premier à l'affirmer, et si ce qu'il dit est vrai l'aide financière et matérielle de l'occident ne fait qu'alimenter une machine de guerre qui cause d'énormes sacrifices humains sans que cela ne change absolument rien à la situation sur le terrain. Ceux qui meurent en ce moment meurent inutilement, malheureusement.

Dans un tel contexte il serait temps que nos gouvernants nous expliquent clairement quel est l'objectif de l'Occident et de notre aide par ailleurs très coûteuse.

S'ils nous disent que le but c'est d'aider les ukrainiens à reconquérir leur territoire on sait que c'est impossible sans un envoi massif de troupes de soutien de l'occident. On sait aussi que 70% de nos concitoyens y sont opposés car cela augmenterait très singulièrement le risque de guerre mondiale et d'extension du conflit.

 Donc, la question est simple:

Dans un tel contexte quel est notre nouvel objectif?

Alimenter un conflit éternel qui va envoyer à la mort des milliers de soldats sans rien changer à la situation actuelle sur le terrain?

Le général propose d'accepter d'ouvrir des négociations avec les Russes tant que c'est possible et de négocier ce qui est encore négociable.

Je me dis aussi que l'occident peut proposer  de geler le conflit et, en échange, de promettre à l'Ukraine de protéger et de blinder la partie non envahie de son territoire.

On peut même imaginer un cessez-le-feu sans négociations.

Il y a plein d'options possibles mais ce qui n'est pas concevable c'est d'alimenter de manière absurde une machinerie meurtrière qui n'amène absolument rien de neuf (une espèce de syndrome Verdun).

En fait je ne comprends pas pourquoi, dans une telle situation d'impasse, il n'y a pas l'organisation d'un grand sommet international de tous les pays qui appuient l'Ukraine pour redéfinir les objectifs des aides très substantielles qui leur sont demandées.

Pour moi, aujourd'hui 7 Mars 2024, la stratégie de l'occident est devenue illisible.

De deux choses l'une: ou cette stratégie n'est pas crédible...ou il y a un autre objectif occulte dont je ne suis pas informé.

PS: Voici un autre article du COUNTERPUNCH qui va dans le sens des propos du général KUJAT.

Vous noterez que ce n'est pas dans les grands médias occidentaux qu'on peut lire de tels articles...

PS nº 2 : N'étant pas expert en questions militaires il y a un truc que je regrette vraiment. C'est de ne pas pouvoir assister à un débat contradictoire entre Kujat et un représentant de l'Otan. La citoyenneté a besoin d'un tel débat.

Rédigé par alea-jacta-est

Publié dans #Ukraine, #Russie, #Poutine, #Guerre, #OTAN, #armement, #médias, #Etats-unis, #Joe Biden, #négociations, #paix

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L
Je crois qu'il est temps de prononcer un cessez-le-feu unilatéral et en finir... Ça donnera du répit à l'Ukraine, et l'aidera à entrer dans l'Alliance Atlantique...
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A
Oui, j'ai peur que le slogan des ukrainiens " LA LIBERTÉ OU LA MORT" risque de signifier surtout la mort.<br /> Il y a plusieurs manières d'arrêter ce massacre. Il y a celle proposée par le général Kujat, il y a celle que je propose qui serait un arrêt unilatéral sans négociations après avoir redéfini des objectifs militaires précis et réalistes: blinder et fixer des lignes territoriales de consolidation et arrêter de se lancer dans des contre-offensives aussi meutrières qu'inutiles...<br /> Il doit y avoir aussi d'autres façons de faire cesser cette boucherie.
C
Bonjour Alea Jacta Est<br /> <br /> "Big Serge" a publié un article qui, je crois, fait le point de manière assez exhustive sur la situation militaire désespérée de l'Ukraine. (le titre est une belle référence historico-littéraire à la guerre entre la Pologne et la Suède de 1655 à 1666 et au roman du même nom de Henryk Sienkiewicz)<br /> <br /> GUERRE RUSSO-UKRAINIENNE : LE DÉLUGE<br /> <br /> Au fur et à mesure que le calendrier avance dans l'année et que les jours de février s'égrènent, les anniversaires importants se succèdent. Nous sommes le 22/02/2022 +2 : deux ans après le discours de Poutine sur le statut historique des régions de Donetsk et de Lougansk, suivi le 24/02/2022 par le début de l'opération militaire spéciale et la reprise spectaculaire de l'histoire.<br /> <br /> La nature de la guerre a changé radicalement après une phase d'ouverture cinétique et mobile. Avec l'effondrement du processus de négociation (que ce soit grâce à Boris Johnson ou non), il est devenu évident que la seule façon de sortir du conflit serait la défaite stratégique d'une partie par l'autre. Grâce au soutien occidental (sous forme de matériel, d'aide financière, d'assistance ISR et de ciblage) qui a permis à l'Ukraine de transcender son économie de guerre autochtone en voie d'évaporation rapide, il est devenu évident qu'il s'agirait d'une guerre d'usure industrielle, plutôt que de manœuvres rapides et d'anéantissement. La Russie a commencé à mobiliser des ressources pour ce type de guerre d'usure à l'automne 2022 et, depuis lors, la guerre a atteint sa qualité actuelle - celle d'une lutte de position intensive en puissance de feu mais relativement statique.<br /> <br /> La nature de cette guerre d'attrition et de position se prête à l'ambiguïté analytique, car elle nie les signes les plus attrayants et les plus évidents de la victoire et de la défaite dans les grands changements territoriaux. Au lieu de cela, il faut se contenter d'une multitude d'anecdotes, d'analyses de positions à petite échelle et de données floues, qui peuvent être facilement mal interprétées ou mal comprises. Les partisans de l'Ukraine mettent en avant des avancées à petite échelle pour étayer leur idée selon laquelle la Russie subit des pertes cataclysmiques pour s'emparer de petits villages. Cela suggère que la Russie remporte des victoires insignifiantes et à la Pyrrhus qui la conduiront à l'épuisement, tant que l'Ukraine recevra tout ce qu'elle demande à l'Ouest. Dans le même temps, la sphère Z considère ces mêmes batailles comme la preuve que l'Ukraine n'est plus en mesure de tenir ses villes forteresses, même les mieux défendues.<br /> Ce que j'ai l'intention de soutenir ici, c'est que l'année 2024 sera hautement décisive pour la guerre, car c'est l'année où l'épuisement stratégique de l'Ukraine commencera à se manifester en même temps que les investissements stratégiques de la Russie commenceront à porter leurs fruits sur le champ de bataille. C'est le propre d'un conflit d'usure, qui soumet les armées à des facteurs de stress cumulatifs et constants, mettant à l'épreuve leurs capacités de récupération. L'usure et le déchaînement des eaux éroderont la digue jusqu'à ce qu'elle éclate. Et c'est alors que le déluge arrive.<br /> <br /> AVDIIVKA : LA SURENCHÈRE TACTIQUE<br /> <br /> L'événement opérationnel marquant de 2024 est à ce stade clairement la prise complète d'Avdiivka par les Russes. L'importance stratégique d'Avdiivka a elle-même fait l'objet d'un débat, certains la considérant comme un simple faubourg miteux de Donetsk, destiné à donner à Poutine une victoire symbolique à la veille des élections russes.<br /> <br /> En réalité, Avdiivka est manifestement un lieu d'une grande importance opérationnelle. Forteresse ukrainienne depuis le début de la guerre du Donbass en 2014, Avdiivka a servi de position de blocage clé pour l'AFU aux portes de Donetsk, sur un corridor d'approvisionnement majeur. Sa capture permet à la Russie d'entamer une avancée sur plusieurs fronts vers les bastions ukrainiens de la phase suivante, comme Konstantinivka et Pokrovsk (nous y reviendrons), et éloigne l'artillerie ukrainienne de Donetsk.<br /> <br /> Le sujet qui semble revêtir une importance particulière est la manière dont la Russie s'est emparée d'Avdiivka. La lutte au milieu des décombres d'une ville industrielle a constitué une sorte de test de Rorschach pour la guerre, certains considérant la bataille comme une nouvelle application des "assauts à la viande" russes, submergeant les défenseurs de l'AFU avec des pertes massives et horribles.<br /> <br /> Cette histoire ne résiste pas à l'examen, comme je voudrais le démontrer sous différents angles. Tout d'abord, nous pouvons essayer d'évaluer les pertes. Il est toujours difficile de le faire avec un haut degré de précision, mais il serait utile de rechercher des anomalies ou des pics dans les schémas de pertes russes. La source la plus largement acceptée pour cela serait le Mediazona casualty tracker (un projet médiatique explicitement anti-poutiniste opéré à partir de l'ouest).<br /> <br /> Lorsque l'on examine les chiffres de Mediazona, une divergence intéressante apparaît. Le résumé indique qu'une bataille de quatre mois pour Avdiivka s'est récemment achevée, alors que Mediazona déclare : "Nous constatons une augmentation significative du nombre de victimes russes : "Nous constatons une augmentation significative des pertes russes depuis la mi-octobre". C'est en fait assez étrange, car leurs données montrent le contraire. Depuis le 10 octobre (jour du premier grand assaut mécanisé russe sur Avdiivka), Mediazona a dénombré une moyenne de 48 victimes russes par jour, ce qui est en fait nettement inférieur au taux de pertes enregistré plus tôt dans l'année. En revanche, Mediazona a dénombré 80 victimes par jour en moyenne entre le 1er janvier et le 9 octobre. Cette période inclut bien sûr les combats intenses de Bakhmut, de sorte que si l'on prend la période entre la fin de la bataille de Bakhmut et le début de la bataille d'Avdiivka (du 20 mai au 9 octobre), on obtient une moyenne de 60 victimes russes par jour. Une série chronologique des pertes confirmées hebdomadaires de Mediazona montre également une tendance à la baisse, ce qui amène à se demander comment ils peuvent se sentir à l'aise pour affirmer que l'action à Avdiivka a augmenté le taux de pertes.<br /> <br /> En outre, des sources ukrainiennes sur le terrain ont souligné que l'assaut russe à Avdiivka n'était certainement pas une simple question de masse, et ont noté l'efficacité des tactiques russes de petites unités avec un puissant soutien de feu. Un officier ukrainien a déclaré à Politico : "C'est ainsi qu'ils travaillent à Avdiivka : "C'est ainsi qu'ils travaillent à Avdiivka : l'artillerie nivelle tout au sol, puis les troupes de débarquement professionnelles arrivent par petits groupes. Un autre officier a décrit des assauts de petites unités russes (5 à 7 hommes) se produisant la nuit. Tout cela ne correspond pas à l'idée reçue des assauts russes par "vagues humaines" - qui, notons-le, n'ont jamais été filmés. Étant donné la prédilection des Ukrainiens pour le partage des images de combat, ne devrions-nous pas nous attendre à voir des preuves présumées de ces vagues russes fauchées ?<br /> <br /> Tout cela pour dire que l'affirmation selon laquelle la Russie a (une fois de plus) subi des pertes catastrophiques à Avdiivka n'est tout simplement pas étayée. À l'instar d'une analyse précédente dans laquelle je montrais que les pertes de blindés russes n'augmentaient pas et ne présentaient pas de schémas anormaux, nous constatons une fois de plus qu'un assaut russe majeur n'a pas provoqué de pic dans les données relatives aux pertes. Il ne s'agit pas de nier que la Russie a subi des pertes. L'opération d'Avdiivka a été une bataille de haute intensité qui a duré quatre mois. Des hommes sont tués et des véhicules sont détruits dans ce genre d'opérations, mais rien ne prouve que cela se soit produit à des taux anormaux ou alarmants pour les forces armées russes.<br /> <br /> Certes, vous êtes libre de vous faire votre propre opinion, et je ne doute pas que la croyance en des pertes russes massives et en des assauts par vagues humaines perdurera. Cependant, pour croire cela, vous devez faire un acte de foi épistémologique - croire que les vagues humaines inutiles existent malgré les combattants ukrainiens qui témoignent du contraire, et que les pertes russes ont augmenté d'une manière qui est en quelque sorte invisible pour les traqueurs comme Warspotting et Mediazona.<br /> <br /> En revanche, Avdiivka est le premier engagement majeur de la guerre où les pénuries croissantes de matériel de l'Ukraine se sont fait sentir de manière aiguë. Après avoir brûlé une grande partie de ses stocks (y compris l'important lot d'obus acheté en Corée du Sud par les États-Unis), l'AFU a ressenti une pénurie d'artillerie flagrante et douloureuse à Avdiivka. Les plaintes concernant la "faim d'obus" ont été l'un des motifs de la couverture de la bataille. Bien sûr, nous avons entendu parler de la pénurie croissante d'obus depuis des mois (et l'on sait que l'Ukraine n'a tout simplement pas assez de tubes pour couvrir l'ensemble du front), mais Avdiivka se distingue comme une position clé, suffisamment importante pour que l'Ukraine mobilise des ressources de premier plan pour la renforcer, alors qu'elle ne pouvait tout simplement pas fournir une base de tir adéquate.<br /> <br /> En l'absence d'artillerie adéquate, l'Ukraine a de plus en plus essayé de s'appuyer sur les drones FPV comme substitut. Il y a une certaine logique stratégique à cela, dans la mesure où les petits drones peuvent être fabriqués dans des installations décentralisées et ne nécessitent pas de centres de production à forte intensité de capital (vulnérables aux systèmes de frappe russes), comme c'est le cas pour les obus d'artillerie.<br /> <br /> Toutefois, les drones ne sont manifestement pas la panacée aux problèmes de l'Ukraine. Sur le plan technique, la puissance destructrice d'un drone FPV (qui transporte généralement l'ogive d'une grenade propulsée par fusée) est bien moindre que celle d'un obus d'artillerie et n'est donc pas adaptée aux tirs de suppression ou à la réduction des points d'appui. Les drones sont également soumis à des perturbations dues aux conditions météorologiques et à la guerre électronique, ce qui n'est pas le cas de l'artillerie. Mais surtout, l'Ukraine est tout simplement en train de perdre la course aux drones. Les réalisations de l'Ukraine en matière d'augmentation de la production de drones en temps de guerre sont réellement impressionnantes, mais la base industrielle du pays reste bien plus petite et plus vulnérable que celle de la Russie, et la production de drones de la Russie commence à dépasser largement celle de l'Ukraine. La faiblesse de l'Ukraine dans d'autres armes l'a incitée à être la première partie à s'appuyer fortement sur les FPV, mais cette première avance a été perdue.<br /> <br /> Les drones offrent donc clairement un moyen létal et important sur le champ de bataille, mais ils ne remplacent pas véritablement l'artillerie et ne constituent pas non plus une arme présentant un avantage certain pour l'Ukraine. Il en résulte que la défense ukrainienne à Avdiivka était largement dépassée. Le problème a été aggravé par la prolifération rapide des bombes planantes russes larguées par voie aérienne, parallèlement à la dégradation de la défense aérienne de l'Ukraine. L'armée de l'air russe a ainsi pu opérer autour d'Avdiivka en toute impunité, larguant des centaines de bombes planantes capables, contrairement aux obus d'artillerie et aux minuscules ogives FPV, de raser les blocs de béton fortifiés qui font normalement la solidité des villes soviétiques dans les combats urbains.<br /> <br /> L'opération Avdiivka s'est donc déroulée selon un schéma qui devient maintenant très familier et qui indique la préférence émergente des Russes pour l'assaut des villes, au moins de cette variété de forteresse de taille moyenne. Une fois de plus, l'opération s'est concentrée, dans sa phase préliminaire, sur l'élargissement du contrôle russe sur les flancs, en commençant par le grand assaut mécanisé de début novembre, qui a sécurisé les positions sur la ligne de chemin de fer au nord de la ville. Une fois encore (comme dans le cas de Bakhmut et de Lysychansk-Severodonetsk), certains s'attendaient à ce que la Russie tente d'encercler la ville, mais cela ne semble toujours pas réalisable dans l'environnement opérationnel actuel, compte tenu de la combinaison des incendies et de l'ISR. Au contraire, les positions sur les flancs ont permis aux Russes de lancer des attaques concentriques dans la ville, en entrant sur plusieurs axes qui ont comprimé les défenseurs ukrainiens dans une position intérieure serrée, où les tirs russes ont pu être fortement concentrés.<br /> <br /> La combinaison spécifique de l'attaque concentrique et des feux russes écrasants a conduit à une fin très rapide de la bataille une fois que la poussée russe dans la ville proprement dite a commencé. Alors que la progression sur les flancs s'est faite par vagues successives tout au long de l'hiver, l'écrasement concentrique de la ville n'a guère duré plus d'une semaine. Les 7 et 8 février, les Russes réalisent des percées dans les banlieues nord et sud, et le 14 février, les Ukrainiens battent en retraite. Quelques poches de résistance ne subsistent que quelques jours.<br /> <br /> Malgré les déclarations affirmant qu'ils avaient effectué un "retrait ordonné", de nombreux éléments prouvent que les Ukrainiens ont été surpris par le rythme de l'assaut russe, et que l'évacuation a été organisée à la hâte et n'a été que partiellement achevée. Un grand nombre de personnes n'ont pas pu s'échapper et sont maintenant des prisonniers de guerre, et il est clair que l'Ukraine n'a pas eu le temps ou l'énergie d'évacuer les blessés, ordonnant au contraire qu'ils soient simplement laissés sur place. L'image générale est celle d'un retrait chaotique et ad hoc de la ville, et non d'un retrait ordonné et planifié à l'avance.<br /> <br /> La question pour l'Ukraine va maintenant au-delà de la perte d'Avdiivka et des opportunités que cela créera pour la Russie. L'Ukraine a désormais la preuve qu'elle a échoué à la fois dans l'attaque et dans la défense dans des opérations où elle a concentré des forces importantes. Sa contre-offensive sur la ligne russe de Zaporhzia a été un échec catastrophique, gaspillant une grande partie du dispositif mécanisé de l'AFU soigneusement entretenu, et elle a maintenant une défense ratée sur les bras à Avdiivka, bien qu'elle se soit battue à partir d'une forteresse bien préparée et qu'elle ait envoyé des réserves dans le secteur pour renforcer la défense.<br /> <br /> La question qui se pose maintenant est assez simple : si l'Ukraine n'a pas réussi à attaquer pendant l'été, si elle n'a pas pu défendre Bakhmut et si elle ne peut pas se défendre à Avdiivka, existe-t-il un endroit où elle pourrait remporter un succès sur le champ de bataille ? Le barrage fuit. L'Ukraine peut-elle le colmater avant qu'il ne s'effondre ?<br /> <br /> LA PRESSION DE LA RUSSIE<br /> <br /> La structure des forces ukrainiennes a toujours été notoirement difficile à cerner, en raison de leur propension à constituer des groupements tactiques ad hoc et de leur pratique d'attribution au coup par coup des forces aux commandements de brigade résidents (transformant les quartiers généraux de brigades en gobelets dans un jeu de craps). A vrai dire, l'ORBAT ukrainien et l'allocation des forces sont d'une classe à part - pour essayer de s'y retrouver, on ne peut faire mieux que l'excellent travail de Matt Davies sur X dot com. De ce fait, l'organisation et la constitution des forces de l'AFU sont généralement plus opaques et plus difficiles à analyser que celles de la Russie, par exemple. Alors que la Russie utilise des groupements conventionnels au niveau de l'armée, ce n'est pas le cas de l'Ukraine, qui ne dispose d'ailleurs d'aucun commandement organique au-dessus du niveau de la brigade.<br /> <br /> Ceci étant dit, l'image de base est celle de trois "groupements stratégiques opérationnels" ukrainiens, qui s'apparentent vaguement à des groupes d'armées. Il s'agit, du nord au sud, des groupements stratégiques opérationnels (OSG) Khortytsia, Tavriya et Odessa. Face à eux sont disposés quatre groupes d'armées russes - du nord au sud, il s'agit des groupes d'armées Ouest, Centre, Est et Dniepr. Il est toujours difficile d'évaluer la force totale de la ligne, en grande partie parce que nous n'avons pas toujours une bonne idée de la capacité de combat réelle de ces unités. Cependant, nous pouvons faire des estimations des effectifs sur le papier. Sur la base des informations de déploiement de la carte de contrôle de l'Ukraine du projet Owl et de la carte de déploiement de Militaryland, nous pouvons estimer que la force nominale sur le théâtre est actuellement d'environ 33 équivalents de division pour l'Ukraine contre peut-être 50 équivalents de division pour la Russie - un avantage russe significatif, mais pas totalement écrasant. Nous obtenons une image à peu près similaire (les formations au niveau de l'armée ukrainienne sont absentes parce qu'elles n'existent pas) : <br /> (voir carte sur le site de Big Serge)<br /> <br /> À l'heure actuelle, la Russie avance lentement sur presque tous les axes du théâtre. Cela a des implications stratégiques/attritionnelles, dans la mesure où les Ukrainiens sont contraints de brûler continuellement leurs réserves tout en se voyant refuser la possibilité de faire tourner et de reconstituer leurs unités, mais il y a également une formulation opérationnelle claire qui se produit.<br /> <br /> Le plan de manœuvre russe doit être considéré en référence à ses objectifs finaux minimaux, à savoir la capture des agglomérations urbaines restantes du Donbas autour de Slovyansk et de Kramatorsk (bien qu'il ne faille pas supposer que la guerre ou les ambitions russes s'arrêtent là). À l'heure actuelle, il existe plusieurs axes majeurs de progression, que je qualifie comme suit :<br /> (voir carte sur le site de Big Serge)<br /> <br /> L'intention de ces poussées est assez évidente. Au centre du front, les avancées russes sur les axes d'Avdiivka et de Chasiv Yar convergent vers le centre névralgique ukrainien de Konstyantinivka, dont la capture est l'une des conditions préalables absolues à toute tentative sérieuse de s'attaquer à l'agglomération de Kramatorsk. Les bases de contrôle russes autour d'Avdiivka et de Bakhmut fournissent l'espace nécessaire pour entamer une opération en deux volets vers Konstyantinivka, en contournant et en enveloppant la forteresse ukrainienne de Toretsk, qui est solidement tenue. (Voir la carte ci-dessous, que j'ai réalisée en décembre avant la prise d'Avdiivka)<br /> (voir carte sur le site de Big Serge)<br /> <br /> Pendant ce temps, la pression russe continue sur le front nord (par une lente étreinte sur la ville de Kupyansk, au sommet de la ligne Oskil, ainsi que par des opérations vers Lyman sur l'axe Zherebets) fournit une base de progression vers l'autre condition opérationnelle pour Kramatorsk, qui est la reprise par les Russes de la rive nord du Donets, jusqu'au confluent de l'Oskil à Izyum.<br /> (voir carte sur le site de Big Serge)<br /> <br /> Pendant ce temps, sur les axes plus méridionaux, la Russie continue d'étendre sa zone de contrôle après la prise de Marinka, probablement dans le but de progresser vers Kurakhove, ce qui placerait la forteresse ukrainienne d'Ugledar dans un saillant plus important. Ugledar reste une épine dans le pied de la Russie, car elle se trouve à une distance inconfortable des lignes ferroviaires russes vers le pont terrestre. La Russie attaque également le saillant de Robotyne tenu par les Ukrainiens (les fruits épars de la contre-offensive ukrainienne). Si ces attaques présentent, comme nous l'avons mentionné, des avantages sur le plan de l'attrition en clouant les forces ukrainiennes sur la ligne, il semble probable que la Russie cherchera à reprendre le saillant de Robotyne afin d'empêcher les Ukrainiens de l'utiliser comme tremplin pour une future tentative de reprise des opérations en direction de Tokmak. Ainsi, ces opérations méridionales ont à la fois des effets d'attrition et offrent la possibilité de neutraliser à titre préventif des points d'appui ukrainiens utiles.<br /> (voir carte sur le site de Big Serge)<br /> <br /> Dans l'ensemble, la situation opérationnelle générale suggère que la Russie développe une dynamique offensive sur l'ensemble du théâtre. Cela aura des effets délétères sur la puissance de combat ukrainienne en empêchant la rotation, la reconstitution et le redéploiement latéral des troupes, tout en aspirant les réserves ukrainiennes qui s'amenuisent. Shoigu a récemment fait une déclaration audacieuse et inhabituelle selon laquelle les FAU engageaient une grande partie de leurs réserves restantes :<br /> <br /> "Après l'effondrement de la contre-offensive, le commandement de l'armée ukrainienne a tenté de stabiliser la situation au détriment des réserves restantes et d'empêcher l'effondrement de la ligne de front.<br /> <br /> Ces propos sont, sinon totalement vérifiables, du moins remarquables compte tenu de sa réticence générale à faire des déclarations à l'emporte-pièce sur l'état de la guerre.<br /> <br /> À court terme (c'est-à-dire pendant les mois de printemps et d'été), nous devrions nous attendre à ce que la Russie progresse vers les objectifs opérationnels intermédiaires suivants :<br /> <br /> - développer une offensive concentrique vers les agglomérations ukrainiennes autour de Chasiv Yar, Toretsk et Kontyantinivka<br /> <br /> - Une offensive le long de la ligne Zherebets-Oskil vers Lyman, pour capturer ou protéger la ligne de la rivière Donetsk comme condition préalable à une opération contre Kramatorsk.<br /> <br /> - Poursuite des assauts vers Kurakhove en préparation de la liquidation du saillant d'Ugledar.<br /> <br /> - Attaques préventives en direction de l'axe d'Orakhiv pour empêcher les futures tentatives ukrainiennes d'exploiter le saillant de Robotyne.<br /> <br /> AU REVOIR ZALUZHNY<br /> <br /> Dans le contexte de la défaite de l'Ukraine à Avidiivka, le président Zelensky a entamé un remaniement du commandement attendu de longue date en limogeant le commandant en chef Valery Zaluzhny et en le remplaçant par le commandant des forces terrestres, Oleksandr Syrski.<br /> <br /> Il y a toute une série d'intrigues secondaires ethniques et politiques amusantes, en particulier les tensions de longue date entre Zelensky et Zaluzhny, les nombreuses rumeurs ridicules selon lesquelles Zaluzhny était devenu un rival politique de Zelensky et pourrait être la figure de proue d'une prise de contrôle du gouvernement par l'armée, et le fait plutôt ironique que le nouveau chef, Syrski, est un Russe né à moins de 80 km de Moscou, qui s'est retrouvé au service de l'Ukraine simplement parce que son unité était postée près de Kharkov lorsque l'Union soviétique est tombée, et qu'il a choisi de ne pas démissionner de son poste de commandement.<br /> <br /> Tout cela est très intéressant, bien sûr, et pourrait peut-être contribuer à démontrer que les relations entre ces pays sont bien plus alambiquées et nuancées que ne le pensent la plupart des Occidentaux. Ce qui nous importe, cependant, ce sont les implications militaires.<br /> <br /> Ce qu'il faut dire à propos de Zaluzhny, c'est que s'il n'était pas vraiment le plus gros problème de l'Ukraine, il n'avait pas non plus les réponses. Zaluzhny a fait preuve d'une timidité étrange, en particulier pendant la bataille de Bakhmut et la contre-offensive ukrainienne. Nous avons constamment entendu parler des réserves et de l'opposition de Zaluzhny aux plans ukrainiens - il était contre la défense coûteuse de Bakhmut, sceptique quant à l'attaque à partir d'Orikhiv, etc. Une rumeur a même circulé selon laquelle Zaluzhny aurait dit à Zelensky que la contre-offensive avait échoué dès les premières semaines de l'opération.<br /> <br /> Le problème de tout cela est simple : Zaluzhny ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il semble se positionner comme la voix de la prudence et de la raison, se distançant des opérations sur le terrain, tout en permettant à ces opérations d'aller de l'avant. Au cours de l'été, alors que Zaluzhny avait conclu à l'échec de la contre-offensive, il a continué à pousser les forces mécanisées ukrainiennes dans les défenses russes par petits groupes de combat de la taille d'une compagnie.<br /> <br /> En fin de compte, Zaluzhny apparaît comme une non-entité : sceptique à l'égard des plans de bataille ukrainiens, mais désireux de les mettre en œuvre quand même sans proposer d'autres solutions de son cru. Son hésitation a notamment conduit la contre-offensive ukrainienne à se transformer en une séquence d'attaques de sondage inutiles qui n'avaient pas la masse nécessaire pour obtenir un résultat décisif et qui se sont inévitablement transformées en un naufrage au ralenti. Un commandant qui se plaint des plans de bataille tout en les mettant en œuvre pose une question évidente : que faites-vous ici ?<br /> <br /> En revanche, Syrski est un homme qui exerce clairement sa volonté sur le champ de bataille, pour le meilleur et pour le pire. Sa préférence pour l'engagement et le combat s'est traduite par plusieurs des plus terribles défaites de l'Ukraine - il est, après tout, l'architecte de la défense de Bakhmut et de la mer de feu de Lysychansk. Mais il est également le chef d'orchestre du succès militaire le plus marquant de l'Ukraine à ce jour, la contre-offensive de Kharkov de 2022, au cours de laquelle il a exploité avec succès une section dégarnie du front russe et repris d'importantes positions sur l'Oskil.<br /> <br /> Syrski pourrait bien mener l'Ukraine au désastre. Il a fait preuve d'une indifférence aux pertes qui pourraient facilement briser les reins des FAU, et d'une préférence pour la mise en place d'une horrible défense de position. Mais Syrski a au moins une propension à rechercher la décision, contrairement à Zaluzhny, qui semblait se contenter de dépérir lentement dans une bataille de position contre un adversaire supérieur. L'agressivité pourrait facilement causer un désastre pour l'Ukraine, mais le temps a clairement manqué à la façon de faire la guerre de Zaluzhny.<br /> <br /> SURCLASSÉE : L'UKRAINE ET LA COURSE AUX ARMEMENTS<br /> <br /> La guerre russo-ukrainienne est une guerre d'usure industrielle. En dépit de toute une série de théories sur telle ou telle arme qui changera la donne, sur un plan de manœuvre astucieux ou sur la supériorité de l'entraînement occidental, la réalité de cette guerre, au cours des 18 derniers mois, a été celle d'une guerre industrielle épuisante et laborieuse, qui a battu en brèche des défenses fixes dans un maelström de béton, d'acier et d'explosifs puissants. Le problème central pour l'Ukraine est assez simple : La production militaire russe atteint la vitesse de croisière, ce qui fera inévitablement basculer la puissance de combat en faveur de la Russie.<br /> <br /> Les obus d'artillerie étant devenus la pièce maîtresse de cette guerre, un commentaire sur l'état de la course à l'artillerie s'impose. L'Ukraine a réussi à constituer un important stock d'obus en prévision de son offensive de l'été 2023, en partie grâce à une gestion prudente des ressources et en partie grâce à l'exploitation par les États-Unis de quelques réservoirs restants, comme la Corée du Sud. Après avoir dépensé une grande partie de ce stock dans des opérations de haute intensité tout au long de l'été, l'avantage de l'artillerie a une fois de plus tourné en faveur de la Russie, et la "faim d'obus" est devenue une plainte omniprésente pour Kiev.<br /> <br /> En particulier, Zelensky a récemment commencé à se plaindre de ce qu'il appelle une "pénurie artificielle", imputant à l'opposition républicaine du Congrès américain les difficultés d'approvisionnement de l'Ukraine. Zelensky a tort. La pénurie est réelle, et il n'est pas facile d'y remédier.<br /> <br /> Après avoir épuisé les stocks excédentaires, l'approvisionnement à long terme de l'Ukraine dépend de plus en plus des tentatives d'expansion de la production en Europe et aux États-Unis. Toutefois, ce plan est en train de s'effondrer sur trois points distincts : 1) la montée en puissance de l'industrie a été beaucoup plus lente que prévu ; 2) même les objectifs de production accrue sont trop faibles pour permettre à l'Ukraine de gagner la guerre ; et 3) même s'il était possible de se procurer des munitions adéquates, l'Ukraine se heurterait rapidement à des problèmes de disponibilité des tubes de canons.<br /> <br /> Jusqu'à présent, les États-Unis s’en sont bien mieux tiré que l'Europe pour réussir à augmenter leur production. Bien que les objectifs américains aient été révisés à plusieurs reprises, il semble aujourd'hui que les États-Unis produiront environ 500 000 obus en 2024, ce qui est un bon chiffre compte tenu de l'état de l'outil industriel américain et des problèmes de pénurie de main-d'œuvre. L'Union européenne espérait initialement livrer 1 million d'obus sur une base annuelle, mais il semble qu'elle soit loin d'atteindre ce chiffre. L'Europe est confrontée à toute une série de problèmes, tels que la pénurie de main-d'œuvre, le coût exorbitant de l'énergie et une culture de prise de décision fondée sur le consensus, qui met du temps à allouer des ressources importantes. La pratique européenne des petites commandes passées par les différents États membres fait également hésiter les fabricants à investir massivement dans de nouvelles lignes de production. Ou, comme l'a dit un général belge : "Nous sommes dans la merde".<br /> <br /> Supposons que les États-Unis et l'Europe réalisent tous deux l'intégralité de leurs objectifs de livraison à l'Ukraine. À quoi cela correspondrait-il ? Une étude récente de deux analystes allemands du Conseil européen des relations extérieures a estimé que, dans le scénario optimiste, les États-Unis et l'Europe peuvent fournir à l'Ukraine environ 1,3 million de munitions sur une base annuelle. Cela donnerait à l'Ukraine un budget d'environ 3 600 obus par jour - assez pour soutenir une intensité modérée, mais bien en deçà de ce dont elle a besoin.<br /> <br /> L'année dernière, le ministre ukrainien de la défense, M. Reznikov, a déclaré que l'Ukraine aurait besoin de près de 12 000 obus par jour pour "exécuter avec succès les tâches sur le champ de bataille", en particulier les actions offensives. Cela représente plus de 350 000 obus par mois, soit plus de trois fois ce que le bloc de l'OTAN espère produire. Il est évident que ce chiffre est irréaliste, mais une étude récente du ministère estonien de la défense a estimé que l'Ukraine aurait besoin d'au moins 200 000 obus par mois (soit environ 6 600 par jour). Avec une disponibilité à long terme estimée à 3 600 obus par jour, l'Ukraine peut avoir une certaine fonctionnalité de base, mais il lui sera difficile d'accumuler un stock lui permettant de mener des opérations offensives de plus grande intensité.<br /> <br /> Cela pose un problème supplémentaire, à savoir qu'il ne suffit pas d'envoyer des obus en Ukraine. Résoudre la pénurie d'obus aggravera la pénurie de tubes. Il va sans dire que les canons d'artillerie s'usent à force d'être utilisés. Si l'on se base sur une règle empirique selon laquelle un canon d'obusier a une durée de vie d'environ 2 500 tirs, cela signifie que l'Ukraine userait entre 125 et 150 canons par mois, en supposant qu'elle puisse réellement tirer autant que le souhaite Reznikov. Cela créerait un nouveau goulot d'étranglement en matière de soutien, compliqué par le fait que l'Ukraine utilise au moins 17 plates-formes différentes.<br /> <br /> Entre-temps, qu'en est-il des Russes ? Il est clair que la réserve d'obus de la Russie a été largement sous-estimée. Tout d'abord, nous apprenons que les livraisons nord-coréennes ont été beaucoup plus importantes que prévu ; au lieu d'un million, il s'agit plutôt de trois millions, et les livraisons se poursuivent. Ce chiffre est atténué par le fait que certains des obus nord-coréens sont défectueux (en raison de longs séjours dans les dépôts et de la cannibalisation), mais l'ampleur de la livraison ne peut être ignorée. Entre-temps, la production indigène russe est montée en flèche, les Estoniens estimant à 3,5 millions le nombre d'obus produits en 2023 pour les Russes, avec un chiffre de 4,5 millions attendu en 2024. En incluant les obus nord-coréens, il semble très probable que la Russie puisse facilement soutenir une cadence de tir allant jusqu'à 12 000 obus par jour, avec une capacité d'appoint en réserve.<br /> <br /> Le résultat de tout ceci est essentiellement que, même si l'augmentation de la production européenne se produisait dans les délais prévus, il y a au moins un avantage de 3-1 (potentiellement 5-1) dans les tirs d'artillerie russes qui est intégré dans le calcul de cette guerre, se produisant parallèlement à une augmentation substantielle reconnue par l'Occident de la production russe de systèmes de frappe tels que les missiles de croisière, les drones Geran, les Lancets et les bombes planantes à la fois plus puissantes et de plus grande portée. Une publication récente du Royal United Services Institute indique que la Russie peut livrer 1 500 chars (à la fois des stocks de dépôts nouvellement construits et modernisés) et 3 000 véhicules blindés par an - le rapport note également que les stocks russes de missiles Iskander et Kalibr ont considérablement augmenté au cours de l'année dernière.<br /> <br /> L'argument standard - la sorte de "théorie de la victoire ukrainienne" - repose sur l'idée de pertes russes disproportionnées et catastrophiques, et les deux parties adorent lancer ce mot chéri de "taux de pertes". Cependant, cela tend plutôt à obscurcir le problème. La question la plus importante est de savoir si la puissance de combat relative d'une armée augmente ou diminue au fil du temps, c'est-à-dire si sa capacité à générer des forces est supérieure à son taux d'épuisement, si elle peut reconstituer en temps voulu les unités affaiblies, générer des remplacements, récupérer, réparer et remplacer les équipements défectueux, etc. L'exemple prototypique de cette situation est bien sûr la guerre entre les nazis et les soviétiques. Bien que les Allemands aient bénéficié d'un "taux de pertes" favorable pendant la majeure partie de la guerre, le ratio de puissance de combat a constamment augmenté en faveur de l'URSS en raison de la supériorité de ses capacités de génération de forces. Fait révélateur, Hitler a même lancé, pendant la bataille de Koursk, une boutade selon laquelle les ratios de pertes devraient permettre de prédire une victoire allemande imminente. Mais les ratios de pertes n'ont pas autant d'importance que le taux relatif de pertes et de génération de forces.<br /> <br /> Étant donné que les pertes russes sont évidemment bien inférieures aux fantasmagoriques centaines de milliers suggérées par les médias occidentaux et les propagandistes ukrainiens, il est devenu clair que la Russie génère de plus en plus de force au fil du temps. Les services de renseignement estoniens estiment que la Russie peut former, équiper et déployer environ 130 000 soldats supplémentaires tous les six mois, ce qui est plus que suffisant pour surmonter les taux de pertes actuels. Comme pour souligner ce point, RUSI note que le groupement des forces russes en Ukraine (c'est-à-dire uniquement les forces déployées sur le théâtre des opérations pour le moment) est passé de 360 000 à 470 000 au cours de l'année dernière.<br /> <br /> Ainsi, la génération de forces russes augmente avec le temps, et ne se contente pas de combler les pertes. Pendant ce temps, les forces ukrainiennes sont de plus en plus sous-équipées et les brigades, en sous-effectif, sont appelées à effectuer des tâches de plus en plus lourdes. Nous savons que les réserves ukrainiennes s’amenuisent. Cela a été clairement démontré à Avdiivka, lorsque les FAU ont déployé des brigades prélevées d'autres fronts (comme la 47e brigade mécanisée) qui avaient combattu tout l'été, indiquant un manque de réserves stratégiques adéquates, puis a lancé la 3e brigade d'assaut d'élite dans les derniers jours de la bataille pour tenter d'endiguer l'hémorragie. Pendant ce temps, des formations comme la 110e Mécanisée, qui combattaient à Avdiivka depuis des mois, ont été entièrement détruites parce qu'elles ne pouvaient pas être retirées. La Russie effectue des rotations régulières de ses troupes, tandis que les forces ukrainiennes restent sur le front faute de remplaçants.<br /> <br /> Nous en sommes donc là. La théorie actuelle de la victoire ukrainienne visant à tirer parti des ISR occidentaux, de la formation et des équipements excédentaires pour infliger des pertes disproportionnées à la Russie est à bout de souffle. 2022 a été une année de grands mouvements, avec la Russie conquérant rapidement le pont terrestre et le saillant de Lougansk lors de sa campagne initiale, suivie par l’Ukraine capitalisant sur l’insuffisance des forces russes avec sa contre-attaque audacieuse vers l’Oskil. Mais l’année 2023 a été différente : l’Ukraine disposait d’une fenêtre d’opportunité importante, dotée d’équipements, de formations et d’aide à la planification occidentaux, tandis que la mobilisation de la Russie s’accélérait. Cette fenêtre stratégique n’a rien donné. Au lieu de cela, l’Ukraine a brûlé de précieuses ressources en défendant Bakhmut, puis a frappé inutilement une ligne russe bien formée et bien défendue au sud. Aujourd’hui, la fenêtre est fermée et la génération de forces russes augmente inexorablement, menaçant l’Ukraine d’un déluge de supériorité stratégique totale.<br /> <br /> L'Ukraine est face à la perspective d’une défaite stratégique, et la seule issue est un quitte ou double - non seulement pour l'Ukraine, sous la forme d'un plan de mobilisation aussi radical que général, mais aussi pour ses partenaires, qui devront adopter une économie de quasi-guerre et consacrer radicalement plus de ressources à l’armement et à la formation des FAU.<br /> <br /> Certains signes indiquent que l'Ukraine pourrait être prête à franchir ce pas, depuis l'affirmation de Zelensky selon laquelle l'armée a besoin de 500 000 hommes supplémentaires, jusqu'aux délibérations en cours sur un recrutement élargi, en passant par les commentaires sur la nécessité d'une « mobilisation totale » et de lois contre la fuite des capitaux. (pour empêcher les hommes de fuir le pays avec leur argent). C'est tout à fait naturel, en raison des ressources largement supérieures de la Russie, l’Ukraine ne peut qu’espérer y répondre par une politique de mobilisation générale bien plus dure.<br /> <br /> Restent les partenaires de l’OTAN. Même si l’Ukraine adopte une politique de mobilisation radicale, elle ne dispose pas des capacités nécessaires pour former, et encore moins armer ses hommes. Sans le cordon ombilical des formations de l’OTAN et sans un soutien matériel solide, une mobilisation générale de l’Ukraine (même si elle était possible compte tenu des capacités limitées de l’État ukrainien) ne servirait qu’à gonfler le nombre de victimes et à gaspiller ce qui reste de la base démographique du pays. Alors même qu'un niveau stable d'aide à l'Ukraine peine à être adopté par un Congrès américain qui souffre de la lassitude de l'Ukraine et d'une multitude de crises intérieures, il semble peu probable que les États baltes soient d'humeur à redoubler d'efforts et à commencer à envoyer quotidiennement des trains complets. de matériel à Kiev.<br /> <br /> Nous en revenons donc une fois de plus au thème de l’épuisement stratégique. 2022 a été l’année des fluctuations brutales avant que le front se stabilise sur des positions russe bien conçues et facilement approvisionnée et 2023 a été l’année de la fenêtre d’opportunité stratégique de l’Ukraine, gaspillée à Bakhmut et Robotyne. 2024 est l’année où la génération croissante de forces russes atteint son paroxysme et où la guerre se retourne de manière évidente et irréversible contre l’Ukraine.<br /> <br /> Le grand soldat et auteur allemand Ernst Jünger a fait le commentaire suivant sur la perspective d’une guerre avec la Russie :<br /> <br /> « Lorsque Spengler conseillait d'éviter toute invasion de la Russie, à cause de son immensité, il avait bien raison, et nous l'avons assez vu depuis lors. Et chacune de ces invasions est rendue plus périlleuse par la raison métaphysique qu'on s'approche de l'un des grands porteurs de souffrance, un Titan, un génie dans l'art de souffrir. Dans son aura, sous sa magie, on liera connaissance avec la douleur d'une manière qui dépasse de beaucoup toute imagination.»<br /> <br /> On parle toujours beaucoup de la propension de la Russie à « souffrir », avec des interprétations allant d’une notion romantique russo-patriotique de sacrifice pour la patrie à une critique anti-russe de la tolérance russe envers les pertes. Peut-être que cela signifie les deux : le soldat russe individuel est plus disposé à s’asseoir dans une tranchée gelée et à échanger des obus que son adversaire, et l’État et le peuple russes sont capables de perdre plus et de durer plus longtemps dans l’ensemble.<br /> <br /> Je pense cependant plutôt que le « titan de la souffrance » métaphysique de Jünger n’est pas du tout si métaphysique. Il fait plutôt référence à une puissance banale de l’État russe, à savoir sa capacité et sa volonté, au fil des siècles, de mobiliser un grand nombre d’hommes et de matériel pour la guerre, aux dépens d’autres objectifs sociaux. La guerre avec la Russie, c’est moche. Cela signifie des pertes massives, des tranchées froides, des terres balafrées et de longues nuits de bombardements. Les Ukrainiens ont fait face à cela aussi bien que n’importe qui (parce qu’ils sont eux-mêmes quasi-russes, même s’ils le nient), mais c’est une chose horrible d’échanger des obus pendant des années. Le pouvoir de souffrance des Russes est de mener volontairement des guerres qui se transforment en duels au gourdin, sachant qu’ils ont le plus gros gourdin.<br /> <br /> La fenêtre d’opportunité stratégique s’est fermée pour l’Ukraine et s’ouvre désormais largement pour la Russie. La terre s'ouvre grand pour les morts.<br /> <br /> <br /> <br /> https://bigserge.substack.com/p/russo-ukrainian-war-the-deluge
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C
Bonjour Alea Jacta Est le plus inquiétant dans les déclarations du général Vad est probablement ce passage : "Les experts militaires - qui savent ce qui se passe entre les services de renseignement, ce qui se passe sur le terrain et ce que signifie réellement la guerre - sont largement exclus du discours. Ils ne correspondent pas à la fabrication de l'opinion par les médias. Nous assistons à une uniformisation des médias comme je n'en ai encore jamais vu en République fédérale. C'est de la pure fabrication d'opinion. Et pas sur ordre de l'État, comme on le connaît dans les régimes totalitaires, mais de leur propre chef."
A
Merci Caius pour ces précisions et pour le lien sur les autres responsables militaires qui sont en désaccord au sujet de certaines aides des occidentaux.<br /> Pour faire simple l'Occident n'est pas pertinent car son aide n'est pas en mesure de changer la donne pour les ukrainiens.<br /> La seule manière de changer la donne serait d'envoyer de forts contingents de soldats en appui ce qui amènerait irrémédiablement une 3ème guerre mondiale.
M
Merci Caïus pour ces explications.<br /> J'ignorais complètement l'existence de cette loi qui interdit les livraisons militaires qui portent atteinte à la défense nationale.<br /> C'est ce que fait Macron pourtant qui démunit nos défenses.<br /> Je me demande si cet homme n'est pas réellement aliéné. Son comportement semble être celui de quelqu'un qui est resté bloqué au stade de l'adolescence par son impulsivité, son côté matamore, son immaturité, qui se manifeste par son goût pour les déguisements, son besoin de se mettre en scène et ses provocations parfois puériles (n'a-t-il pas enjoint des Européens de ne pas être lâches?). Les Anglais l'ont bien cerné qui viennent d'écrire que son arrogance n'est dépassée que par sa stupidité (https://twitter.com/GaetanEscorbiac/status/1227652391585095680)
C
Bonjour Alea Jacta Est <br /> <br /> Beaucoup préfèrent en effet mettre en cause la personne du général Kujat plutôt que la pertinence de son argumentation. <br /> <br /> Cependant il est loin d'être le seul général allemand ayant exercé de très hautes responsabilités tant au niveau de la Bundeswehr que de l'OTAN à avoir mis en garde le monde politique sur le caractère irréaliste d'une victoire de l'Ukraine.<br /> <br /> Je peux citer le général Zorn, l'inspecteur général des forces armées allemandes, mis à la retraite anticipée en 2023 pour s'être prononcé contre de nouvelles livraisons d'armes à Kiev ou l'ancien général de brigade Erich Vad ,conseiller en politique militaire de la chancelière Angela Merkel de 2006 à 2013.<br /> <br /> Erich Vad déclarait en 2023 :<br /> <br /> "- Qu'est-ce que cela signifie ?<br /> <br /> Nous sommes dans une impasse militaire opérationnelle, mais nous ne pouvons pas la résoudre militairement. C'est d'ailleurs aussi l'avis du chef d'état-major américain Mark Milley. Il a déclaré qu'il ne fallait pas s'attendre à une victoire militaire de l'Ukraine et que les négociations étaient la seule voie possible. Tout le reste signifie un gaspillage inutile de vies humaines.<br /> <br /> -La déclaration du général Milley a suscité beaucoup de colère à Washington et a également été fortement critiquée publiquement.<br /> <br /> Il a exprimé une vérité qui dérange. Une vérité qui n'a d'ailleurs quasiment pas été publiée dans les médias allemands. L'interview de Milley par CNN n'est apparue nulle part de manière importante, alors qu'il est le chef d'état-major de la première puissance occidentale. Ce qui se passe en Ukraine est une guerre d'usure. Une guerre qui a fait près de 200 000 morts et blessés des deux côtés, 50 000 morts civils et des millions de réfugiés. Milley a ainsi établi un parallèle avec la Première Guerre mondiale qui ne pourrait pas être plus pertinent. Lors de la Première Guerre mondiale, la soi-disant 'boucherie de Verdun', conçue comme une bataille d'usure, a à elle seule entraîné la mort de près d'un million de jeunes Français et Allemands. Ils sont alors tombés pour rien. Le refus des belligérants de négocier a donc entraîné des millions de morts supplémentaires. Cette stratégie n'a pas fonctionné militairement à l'époque - et ne fonctionnera pas non plus aujourd'hui.<br /> <br /> - Vous avez également été attaqué pour avoir demandé des négociations.<br /> <br /> Oui, tout comme l'inspecteur général de la Bundeswehr, le général Eberhard Zorn, qui, comme moi, a mis en garde contre une surestimation de l’impact des offensives régionales des Ukrainiens pendant les mois d'été. Les experts militaires - qui savent ce qui se passe entre les services de renseignement, ce qui se passe sur le terrain et ce que signifie réellement la guerre - sont largement exclus du discours. Ils ne correspondent pas à la fabrication de l'opinion par les médias. Nous assistons à une uniformisation des médias comme je n'en ai encore jamais vu en République fédérale. C'est de la pure fabrication d'opinion. Et pas sur ordre de l'État, comme on le connaît dans les régimes totalitaires, mais de leur propre chef.<br /> <br /> - Ils sont attaqués par les médias sur un large front, du BILD en passant par FAZ et au Spiegel, et donc aussi les 500.000 personnes qui ont signé la lettre ouverte au chancelier initiée par Alice Schwarzer.<br /> <br /> C'est ainsi. Heureusement qu'Alice Schwarzer a son propre média indépendant pour pouvoir ouvrir ce débat. Cela n'aurait probablement pas fonctionné avec les médias dominants. Pourtant, la majorité de la population est depuis longtemps opposée à de nouvelles livraisons d'armes, comme le montre un sondage récent. Mais tout cela n'est pas rapporté. Il n'y a pratiquement plus de disussions ouvertes et loyales sur la guerre en Ukraine, et je trouve cela très inquiétant. Cela me montre à quel point Helmut Schmidt avait raison. Il a déclaré lors d'un entretien avec la chancelière Merkel : "L'Allemagne est et reste une nation en danger."<br /> <br /> https://www.emma.de/artikel/erich-vad-was-sind-die-kriegsziele-340045?fbclid=IwAR1WhBSZ3cRgw7klhTKr4NEQsNKsym32zL_JE2fV3IdNqQ5I2IkGyhRTqBk
A
A Rosemar<br /> Oui, moi aussi je suis allé vérifier le pedigree de ce général et j'ai vu qu'il était proche des russes. <br /> D'ailleurs je "n'achète pas" l'ensemble de son discours, un discours carrément pro-russe..<br /> Mais quand il parle de la guerre proprement dite le problème c'est que les faits lui donnent raison.<br /> Il n'est pas le seul à le dire d'ailleurs. il y a une dimension arithmétique qui n'est pas en faveur des ukrainiens et la preuve c'est que la guerre s'est enlisée.<br /> En fait cette question que j'aborde aujourd'hui est la plus importante de toutes et devrait faire débat.<br /> Or, j'ai l'impression que ce thème est complètement escamoté.<br /> Bonne fin de soirée l'amie
A
Rebonjour Caius. Il y a un bug sur la plateforme et ROSEMAR ne peut pas publier. Je mets donc son commentaire ici.<br /> Voici le commentaire de ROSEMAR envoyé le 7 mars au soir<br /> Ce soir, impossible de commenter ton article du jour : le message s'affiche mais n'est pas enregistré.<br /> <br /> Le voici :<br /> <br /> Mon commentaire n'a pas été enregistré ?<br /> Je disais : je ne sais pas trop que penser des déclarations de ce général ?<br /> <br /> Voici ce que j'ai lu de lui sur wiki :<br /> <br /> "Depuis juillet 2016, Kujat est membre du conseil de surveillance de l'Institut de recherche Dialogue des civilisations [4] (DOC) basé à Berlin, qui aurait été financé par Vladimir Yakounine , [5] jusqu'en 2015 PDG des chemins de fer russes .<br /> <br /> Par certains médias allemands conservateurs ( Bild-Zeitung , Die Welt ) Kujat a été critiqué pour ses opinions pro-russes dans des émissions-débats de la télévision allemande, [6] [7] [8] qui auraient été considérées avec méfiance par le gouvernement fédéral allemand."<br /> <br /> Peut-être ses propos sont biaisés ?<br /> <br /> Belle soirée, AJE<br /> <br />
A
Merci Caius pour ce long article très technique de Big Serge qui explique pourquoi les ukrainiens n'ont pas les moyens de réaliser de vraies contre-offensives victorieuses. <br /> Moi, ce qui m'interpelle c'est le manque de débats en Occident. N'ayant aucune connaissance en matière de stratégies militaires j'en suis réduit à lire des articles contradictoires sans tout comprendre. Seuls les résultats sur le terrain me confirment ou pas la pertinence de certaines analyses.<br /> Par ailleurs je voudrais revenir sur les propos de Kujat qui appelle à des négociations tant que c'est possible. C'est une possibilité mais ce n'est pas la seule.<br /> Pour ma part il ne s'agit pas pour les occidentaux d'accepter un état de fait inacceptable (l'occupation d'une partie de l'Ukraine), ni de signer une paix, et encore moins de mettre un terme aux sanctions contre la Russie ou de normaliser les relations tant que les russes occupent les territoires conquis.<br /> Je suis en faveur d'un gel du conflit, que Joe Biden décroche son téléphone pour expliquer à Zelensky qu'il va arrêter de le soutenir dans la poursuite d'un objectif irréaliste mais qu'il va l'aider à consolider la défense des territoires non occupés. Pour en arriver là, et en simplifiant un peu, il ne serait pas nécessaire d'entreprendre des négociations. Ça peut se réaliser de manière unilatérale. Je suis en faveur d'une solution comparable à la coréenne: le nord et le sud n'ont rien signé, rien négocié mais ont arrêté de se taper dessus.<br /> Les chiffres de morts cités par Big Serge me retournent les tripes et méritent que les gouvernants réfléchissent sur le sens qu'il y a à maintenir divers fronts si l'obejctif final est hors d'atteinte.<br /> Bonne journée Caius
M
Ton article est intéressant et je le trouve pertinent.<br /> Je mets en regard la subite frénésie batailleuse de notre président français (dont je me demande depuis longtemps s'il fait vraiment cas de la France et des Français). <br /> Comment pense-t-il pouvoir envoyer suffisamment d'armement et de combattants pour lutter contre la Russie? Car c'est cela qu'il évoquait avec la possibilité d'envoyer des troupes au sol. <br /> Je ne pense pas que mon pays ait les moyens d'une telle politique belliqueuse d'autant plus que la majorité des pays européens semble répugner à y participer (sauf les pays limitrophes de la Russie).<br /> Autre chose en ce qui concerne les troupes ukrainiennes j'ai lu ceci :<br /> 'Plus de 500.000 personnes ont quitté l'Ukraine pour se réfugier dans plusieurs pays limitrophes depuis le déclenchement de la vaste offensive militaire russe jeudi, a tweeté, lundi 28 février, le Haut Commissaire de l'ONU aux réfugiés Filippo Grandi.." ("La dépêche.fr")<br /> Bien que quitter l'Ukraine soit interdit aux hommes en âge de se battre certains parviennent à trouver des filières pour échapper à la mobilisation. ("Le Monde")
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C
Le général de brigade à la retraite Coustou s'est fendu d'une lettre ouverte au picrate suite aux délarations de Macron :<br /> <br /> "Anti-constitutionalité, illégalité ou a-légalité ?<br /> <br /> La France, qui se réclame de la démocratie et ne se prive jamais de donner des leçons par la voix de ses dirigeants, est surtout et avant tout un état de droit. -en théorie-<br /> <br /> Or, le 24 février 2022, début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, l’Ukraine n’est pas un pays de l’Union Européenne, ni un membre de l’OTAN et n’a aucun accord de défense avec la France. Celle-là n’a pas non plus d’intérêts vitaux en Ukraine. Il eut été pertinent de se poser la question de savoir si la France devait intervenir. Mais le choix politique fait par le Président de la République d’aider l’Ukraine n’est pas le sujet de ce papier.<br /> <br /> En revanche, la question de la légalité de notre engagement se pose.<br /> <br /> Tout d’abord, ce choix politique n’a pas été suivi d’un choix législatif et judiciaire.<br /> <br /> Par l’article 411-3 du code pénal révisé par l’Ordonnance du 19-11-2000, nous nous interdisons de livrer des moyens militaires au détriment de la défense nationale.<br /> <br /> Par la Résolution du 30 novembre 2022 (303 voix sur 399 votants), l’Assemblée Nationale réaffirma son soutien à l’Ukraine par le double biais de l’U.E. (article 12) et celui du gouvernement (article 20).<br /> <br /> Si en toute rigueur ces deux dispositions ne sont pas contradictoires, dans les faits, le prélèvement de matériels militaires dans certaines unités constitue une infraction qui révèle la caution sinon la complicité des votants, le législateur laissant enfreindre la loi qu’il a lui-même rédigée.<br /> <br /> De fait il y a bien illégalité gravissime à enfreindre la loi délibérément. Surtout pour un législateur !<br /> <br /> <br /> Puis, l’accord de sécurité signé à Paris le 16 février dernier entre, non pas la France et l’Ukraine, mais entre les présidents respectifs, témoigne d’un degré supplémentaire dans l’illégalité.<br /> <br /> Notons les réactions immédiates de, d’une part, Messieurs Nicolas DUPONT-AIGNAN et Alain HUPERT qui s’insurgeaient qu’eux seuls sur 952 parlementaires aient réagi face à cette initiative personnelle sans consultation de la représentation nationale, ainsi que la déclaration publique conjointe de Messieurs Hubert VEDRINE et Jean-Pierre CHEVENEMENT qui réclamaient un débat sur le fond en en saisissant le Parlement ; soient deux signaux clairs que cette initiative outrepassait sinon violait l’état de Droit. De nos droits.<br /> <br /> Cet accord quasi personnel entre deux hommes n’a aucune valeur juridique. Il n’a fait l’objet d’aucune consultation comme l’article 53 de la constitution l’eût exigé, ni d’une loi assortie d’un décret d’application et bien sûr… d’aucune publication dans le Journal Officiel.<br /> <br /> En clair, cet accord n’est pas seulement illégal mais purement « a-légal ». Un vide juridique.<br /> <br /> Sans écarter une basse manœuvre de notre Président pour tromper son visiteur, fort improbable d’ailleurs, ce texte a quand même des conséquences potentielles gravissimes que nous allons voir.<br /> <br /> <br /> Ensuite, ayant proclamé « qu’il ne fallait pas laisser gagner la Russie », le Président MACRON a fait état d’une « européisation de notre dissuasion nucléaire » (déclaration VEDRINE-CHEVENEMENT) lors de son voyage en Suède, plaçant ainsi la France, déjà considérée comme cobelligérante par la Russie, en position de cible numéro Un dans le cas d’un conflit direct entre l’OTAN et la Russie.<br /> <br /> Enfin, le 26 février dernier, le chef de l’état, peut-être par le réflexe de ceux qui pour tenter de retrouver une popularité qui leur échappe désignent un ennemi extérieur, a franchi un degré de plus vers la guerre en déclarant possible l’envoi de troupes occidentales face à la Russie.<br /> <br /> Alors, veut-il la guerre ? Est-ce seulement une gesticulation imprudente mais dangereuse ?<br /> <br /> <br /> Dans son article L 4122-1 du code de la Défense, il est stipulé qu’un militaire n’est pas obligé et a même le devoir de ne pas obéir à un ordre manifestement illégal, ce qui est avéré ici, de par le vide juridique montré plus haut.<br /> <br /> L’accord du 16 février précise expressément prendre effet à compter de la date de la signature (!). Le Président a-t-il, peut-il et va-t-il donner des ordres pour sa concrétisation ?<br /> <br /> Quoi qu’il en soit et de notre point de vue ce texte apporte et doit poser un réel problème de conscience aux militaires. Si les échelons subalternes, le nez dans le guidon, comme souvent ne voient pas forcément la gravité autant que le caractère ubuesque de la situation, les hauts échelons de la hiérarchie ne peuvent l’ignorer et la ligne rouge à ne pas franchir ne peut que les inciter à appeler le chef des armées à la raison.<br /> <br /> Toujours très légalistes, ils ne peuvent que constater l’état de droit ici bafoué. Ils le doivent !<br /> <br /> Pourquoi ?<br /> <br /> Un jour viendra où certains de nos gouvernants et hauts responsables auront à rendre des comptes au peuple qui selon l’article 3 de notre Constitution détient seul la souveraineté nationale confiée le temps limité de leur mandat à ses représentants, non pour être trahi mais pour avoir une gouvernance conforme à ses vœux et surtout intérêts.<br /> <br /> Posons-nous tous, d’urgence, la double question solennelle suivante :<br /> <br /> <br /> Qui veut mourir en et/ou pour l’Ukraine ? <br /> <br /> Qui veut mourir à cause du délire d’un tyran ?<br /> <br /> <br /> Le 27 février 2024.<br /> <br /> Général (2S) André COUSTOU.<br /> <br /> Président d'honneur de Place d'armes."<br /> https://www.place-armes.fr/post/anti-constitutionalit%C3%A9-ill%C3%A9galit%C3%A9-ou-a-l%C3%A9galit%C3%A9
A
Il faut se rendre à l'évidence. Quand les ukrainiens tirent un ou deux obus les russes en tirent 10 en riposte mais surtout la Russie dispose d'un réservoir d'hommes dont ne dispose plus l'Ukraine. Kujat parle d'une armée ukrainienne mise en échec et complètement au bout du rouleau.<br /> Donc la situation d'occupation des russes est inexpugnable, sauf s'il y avait une décision d'envoyer de forts contingents de soutien (ce qui semble irréaliste vu le peu de soutien occidental et vu le risque d'escalade).<br /> Or, j'ai l'impression qu'on continue d'envoyer du matos sans tenir compte de cette impasse militaire.<br /> Poutine a joué cette partie comme un bon joueur d'échecs qui avance ses pions, qui peut se permettre de sacrifier un nombre important de soldats. Il va falloir tenir compte de cet avantage.<br /> On peut continuer d'aider les ukrainiens mais les pertes humaines enregistrées en ce moment ne servent plus à rien. Ce serait criminel de continuer dans cette voie. Il faut envisager d'autres options.<br /> Geler le conflit ne veut pas dire accepter la paix des russes...simplement il faut arrêter le massacre inutile.<br /> Dans ce contexte je comprends que certains ukrainiens fuient pour ne pas être envoyés dans une boucherie qui ne change plus rien. Merci pour tes extraits d'articles.<br /> Et moi j'attends qu'on m'explique d'une manière credible en quoi consiste notre objectif à partir de 2024.<br /> "Errare humanum est, sed perseverare diabolicum”<br /> Bonne fin de journée l'amie