Bonjour les amis,
Je vous emmène aujourd'hui en Sicile pour écouter VITTI 'NA CROZZA (J' ai vu un crâne), l'une des ballades les plus populaires de l'île que tout sicilien digne de ce nom connait par coeur. Cette chanson anonyme qui remonte au XIX ème siècle est née dans des conditions confuses, sans doute à l'époque de Garibaldi.
Elle est devenue ensuite une des chansons italiennes les plus emblématiques contre la guerre en général.
Je vous mets d'abord les paroles en dialecte sicilien, accompagnées ensuite d'une traduction française.
C'è nu giardinu ammenzu di lu mari tuttu 'ntissutu d'aranci e ciuri, tutti l'aceddi ci vannu a cantari, puru li pisci ci fannu l'amuri. Senti li trona di lu Mungibeddu chi ghietta focu e fiammi di tutti i lati ; oh Bedda Matri, Matri addulurata, sarva la vita mia e d' 'a mia amata. Vitti na crozza supra nu cannuni, fui curiusu e ci vosi spiari. Idda m'arrispunniu cu gran duluri : "Murivi senza toccu di campani". Sinni eru, sinni eru li me anni chiangennu sinni eru, cun gran duluri... ca' si putissi ancora chiuù nun vurria, cchiù nun vurria muriri chi pi amuri. ...Ah si putissi ancora, chiuù nun vurria, cchiù nun vurria muriri chi pi amuri.
Je connais un jardin au milieu de la mer
qui déborde de fruits et de fleurs,
tous les oiseaux vont y chanter,
et les poissons vont y faire l'amour.
J'entends tonner le Mongibello
qui répand le feu et les flammes ;
oh Sainte Vierge, Mère des Douleurs,
sauve-moi, avec celle que j'aime.
J'ai vu un crâne au sommet d'une tour,
par curiosité, je l'ai interrogé.
Et tristement, il m'a répondu :
"Je suis mort sans que pour moi sonne le glas."
Elles s'en vont, elles s'en vont mes années
tristement, elles s'en vont dans la douleur...
et si c'était encore possible, je ne voudrais,
je ne voudrais mourir que par amour...
Voici pour commencer une version populaire de référence de Domenico Modugno.
Le protagoniste de la chanson est 'na Crozza, ou un crâne. Le crâne, à travers son histoire, est l'organisateur d'une forte critique sociale, dirigée principalement contre certaines pratiques de l'Eglise catholique du passé. "La plupart des gens ont toujours cru que le fameux canon «Cannuni 'où repose le crâne, dans la chanson, était une pièce d' artillerie utilisée à des fins militaires, et que la chanson fait référence à un événement tragique de la guerre. Mais il n' en est rien"...écrit le professeur Francesco Meli de l'Université de Milan. L'histoire retrace les conditions d'exploitation très dures imposées par l'Eglise aux mineurs dans les solfatares. Des conditions de travail inhumaines qui ne cesseront que vers 1940. Les dépouilles mortelles des mineurs étaient non seulement souvent restées enfouies à jamais dans l'obscurité éternelle de ces mines, mais également exclues de toutes funérailles et n'étaient même pas honorées, insiste le crâne de la chanson, d'un simple son de cloche ! Le glas ne sonnait pas pour eux !
La chanson a connu ensuite de multiples interprétations et évoque de manière générale la souffrance et parfois le martyre du peuple sicilien.
Il y a eu plein de versions, dont celle-ci
Laura Pausini aussi
La reine du Fado Amalia Rodrigues en a fait une version également.
On l'entend aussi dans le film de Pietro Germi de 1950 il cammino della speranza...le "chemin de l'espoir" qui raconte les grèves de l'après-guerre dans les mines de Sicile.
Cette chanson, les amis, je l'ai entendue des dizaines de fois dans ma petite enfance sur le tourne-disques familial...et bien évidemment, mon père calabrais (et lui-même mineur) la connaissait par coeur. Cette simple ritournelle, s'est tout simplement convertie peu à peu en l'hymne des damnés de la terre...