Notez qu' à chaque fois je vous ai soumis des problèmes d' ingéniérie humaine mais dans le premier cas celui-ci est compliqué alors que dans le deuxième il est complexe car il fait intervenir des milliers de paramètres que je ne peux contrôler.
En économie par exemple on a souvent affaire à des problèmes complexes.En 2015 il se réalise grâce aux ordinateurs des dizaines de millions d' opérations individuelles d' investisseurs en même temps et même si nombre d' entre elles sont gouvernées par des mouvements collectifs s' apparentant à la fuite soudaine d' un troupeau de bisons dans les prairies américaines, le résultat final est difficilement prévisible dans le détail.
Souvent l' imprévisibilité des mouvements boursiers amène de nombreuses personnes à considérer que l' économie n' est pas une vraie science puisqu' elle est incapable de prédire avec précision l' état futur du marché.Certains pensent qu' il s' agit d' une forme de charlatannerie moderne un peu comparable à la médecine pratiquée par les docteurs dans les comédies de Molière....d' autres pensent que c' est un faux-jeu truqué destiné à distraire la galerie pendant que certains puissants tireurs de ficelles contrôlent parfaitement et avec préméditation tout ce qui va se produire.Sans leur donner raison, il faut bien reconnaître qu' il s' agit d' un théâtre où tous les acteurs n' ont pas le même poids.
Certains disent que les analystes financiers sont à l' économie ce que les médecins légistes sont à la médecine, à savoir qu' ils sont capables d' expliquer ce qui s' est produit mais jamais ce qui va avoir lieu.Finalement les grands économistes seraient surtout les grands champions de l' autopsie et de l' analyse Post-Mortem.Il y a une part de vérité dans cette appréciation mais ça n' enlève pas à l' économie son caractère scientifique.
Nous considérons tous à juste titre que la météorologie est une science même si nous savons qu' il lui est impossible de prévoir le temps exact qu' il fera à Cagnes sur mer dans 3 jours.La théorie du chaos permet de modéliser et d' expliquer cette imprévisibilité.
Revenons à l' économie avec l' exemple de la dévaluation du Yuan qui s' est produite la semaine dernière en Chine avec des conséquences importantes pour la planète toute entière.Un bon analyste financier aurait pu prédire les difficultés en partie prévisibles de l' économie chinoise mais n' aurait pu savoir le jour et l' heure à laquelle le gouvernement chinois aurait pris la décision de dévaluer le Yuan, ni le pourcentage de dévaluation par rapport au dollar...L' analyste ne pourra même pas prévoir si le gouvernement chinois prendra oui ou non la décision de dévaluer car elle fait intervenir des milliers de paramètres techniques mais aussi politiques et psychologiques.Tout au plus il pourra évaluer la probabilité d' une future dévaluation...
Un dernier détail qui ne trompe pas.Tous les gourous de l' économie, tous les prix Nobel ont de très solides connaissances en mathématiques.Très souvent , ce sont des matheux de formation qui ont appliqué avec un relatif succès leurs connaissances au champ de l' économie.
Certains me répondront qu' il existe des gestionnaires de fonds d' investissement qui n' ont presque aucune connaissance en mathématiques, et je leur répondrai que ces gens-là sont un peu comme Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir.Ces personnes-là ont un certain talent et pratiquent les mathématiques de manière intuitive de la même manière que certains musiciens de jazz jouent d' un instrument d' oreille sans aucune notion de solfège mais respectent malgré tout les règles physiques de l' harmonie.
Impossible d' étudier et d'aborder le complexe sans modèle mathématique.Les romains avaient bien raison quand ils disaient que les mathématiques sont mère de toute science...Elles sont à la fois le langage et l' outil.
Bonne fin de journée les amis
PS: Ce billet est dédié à mon ami Manuel, grand physicien, excellent mathématicien qui curieusement et assez inexplicablement ne peut s' empêcher de penser que l' économie n' est pas une vraie science...
PS nº 2 : En marge du thème traité, je vous soumets une réflexion philosophique que m' avait indiqué mon beau-frère et dont je n' avais pas saisi sur l' instant toute la profondeur.Il m' avait fait cette citation:
" Un problème qui n' a pas de solution n' est pas un problème..."
On pourrait dire aussi: " un problème qui n' a pas de solution n' est PLUS un problème".
Je suis tout à fait d' accord avec cette affirmation mais toutefois, il faut en signaler le GRAND DANGER.Le GRAND DANGER, c' est de déclarer trop rapidement qu' un problème n' a pas de solution....c' est là qu' est tout le problème !
L' histoire des sciences et des technologies nous enseigne qu' il y a eu de magnifiques aventuriers qui se sont attaqués à des problèmes dont on avait déclaré un peu trop rapidement qu' ils n' avaient pas de solution.
PS nº 3: l' image du plat de spaghettis m' a été racontée par un copain ingénieur mais qu' il sache que je n' ai aucune intention de lui payer des droits d' auteur car lui-même tenait cette métaphore d' un conférencier et expert japonais.En tous cas c' est une belle image pour visualiser le complexe et le différencier du compliqué
PS nº 4: Le plat de spaghettis a donné naissance aussi à une nouvelle religion, le PASTAFARISME, qui fera peut-être l' objet d' un billet ultérieur.Il s' agit d' une religion ( créée par un professeur américain de faculté) qui tourne en dérision les autres et qui "démontre" ( chiffres à l' appui) que l évolution décroissante du nombre de pirates sur la planète augmente le réchauffement climatique qui est , comme chacun sait, un problème à la fois complexe et compliqué...