Bonjour les amis,
La guerre en Ukraine serait probablement déjà finie ou en voie de résolution si le peuple russe avait accés aux informations internationales. Une censure de plomb, accompagnée de lourdes peines de prison, permet à Poutine de mener une guerre sanguinaire sans rencontrer de réelle opposition dans un pays de 140 millions d'âmes.
Notre tendance naturelle est donc de ne pas associer directement le peuple russe aux atrocités qui se commettent actuellement en Ukraine.
Jonathan Littell nuance cette vision très simpliste et a écrit une lettre ouverte à ses amis russes "intellos" dans laquelle il les interpelle un peu vertement, en les mettant, eux-aussi, face à leurs responsabilités.
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Jonathan Littell : " Mes chers amis russes, c'est l'heure de votre Maïdan "
TRIBUNE. Evoquant la révolution à Kiev en 2014, l'écrivain s'adresse, dans une lettre ouverte, à ses " amis d'âme et d'esprit " restés silencieux face aux agressions commises par leur pays en...
Cette longue lettre n'est malheureusement disponible intégralement que pour les abonnés, et c'est bien dommage. Elle repasse les dernières 30 années de la Russie et je ne reprendrai que certains éléments de cette lettre très instructive.
Jonathan Littell explique bien de quelle manière ses amis russes n'ont pas su défendre leur démocratie tant qu'ils avaient encore le droit de prendre la parole.
Il les accuse d'avoir été bien silencieux, apathiques, quand des journalistes ou des opposants au régime mouraient empoisonnés ou assassinés.
Plus tard, quand la démocratie a été séquestrée par le duo Medvedev-Poutine avec une facilité déconcertante qui permet aujourd'hui à Poutine de rester au pouvoir jusqu'en 2036, Littell interpelle ses amis: " Comment avez-vous pu être si passifs?". Et oui, c'est à se le demander...
Dans cette lettre Littell raconte que lorsqu'il témoignait à Moscou des atrocités commises en Tchétchénie par les troupes russes, ses amis lui répondaient: " Laisse -nous un peu avec ta Tchétchénie". Ce à quoi Littell répondait: " Mais c'est Votre Tchétchénie. ce sont VOS massacres...moi, je ne suis qu'un observateur étranger".
Littell raconte aussi comment il a perdu des amis en Russie parmi ceux qui ont fini par devenir, tout en s'en défendant, de plus en plus complices de ce régime.
A la fin de sa lettre Jonathan Littell appelle ceux qui font encore partie de ses amis à s'insurger, à prendre exemple sur les manifestations de Maïdan qui ont réussi à réinstaurer la démocratie en Ukraine et à faire fuir le président fantoche installé par les russes..
Il dit à ses amis. " C'est l'heure de votre Maïdan. Soyez perspicaces, stratégiques. Trouvez un moyen d'y arriver. Les ukrainiens y sont parvenus".
Effectivement la police de Moscou peut contrôler une manifestation de 10 000 personnes voire de 100 000 mais à 300 000 elle serait débordée.
Mais Littell ne se fait pas d'illusions sur ses amis intellos qui ne seront finalement pas les vrais acteurs de cette histoire. Il leur dit qu'ils ne servent à rien (ou pratiquement à rien), que si la révolte gronde un jour , elle viendra non pas des villes mais des campagnes quand le peuple souffrira des conséquences économiques de cette guerre.
Cette longue lettre m'a interpellé à plusieurs niveaux.
Quand les premiers signes d'autoritarisme criminel sont apparus la réaction sociale n'a pas été suffisante.Tout cela ressemble à la chronique d'une mort annoncée. Si on ne réagit pas dès les premiers signes de durcissement, tout devient ensuite bien plus compliqué une fois que le pouvoir a mis en place des mesures "légales" de répression.
Cette lettre nous ouvre aussi les yeux sur les responsabilités de tout un chacun. On ne peut pas dédouaner toute la population russe de cette tragédie. Trop simple. Trop facile.
Il y a ceux qui savent et qui voulaient ça (les vrais salauds et fachos sur lesquels je ne m'étendrai pas), il y a les nostalgiques soviético-ringards, ignorants, manipulés, à côté de la plaque, qui croient que la grandeur de leur pays se mesure au nombre de kilomètres carrés, il y a le peuple d'en bas maintenu dans l'ignorance et donc pas coupable mais qui pourrait bien finir par mettre en danger le pouvoir absolu, et puis il y a les intellos qui ont raté leur rendez-vous avec l'histoire et qui n'ont pas été capables d'organiser une rébellion démocratique, d'indiquer une 3 ème voie. Entre le saccage du pays organisé par les oligarques de Yeltsine et le retour à un autoritarisme mafieux proposé par Poutine, il fallait tenter la voie démocratique...Bin, c'est raté...
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