Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 février 2023 2 07 /02 /février /2023 11:01

Bonjour les amis,

Je suis tout comme vous saisi d'effroi par les conséquences humaines dramatiques provoquées par les tremblements de Terre qui ont frappé la Turquie et la Syrie.

Il se trouve que la semaine dernière, par le plus grand des hasards, je lisais l'excellent livre de Pascal Bruckner intitulé LE FANATISME DE L'APOCALYPSE dans lequel l'auteur raconte les réactions de Voltaire et de Rousseau suite au tremblement de terre de Lisbonne de 1755 qui avait provoqué entre 50 000 et 100 000 morts.

Voici d'abord la réaction pleine de colère et d'indignation de Voltaire.

« Philosophes trompés, qui criez : Tout est bien, / Accourez, contemplez ces ruines affreuses, / Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses, / Ces femmes, ces enfants l’un sur l’autre entassés, / Sous ces marbres rompus, ces membres dispersés, / Cent mille infortunés que la terre dévore, / Qui, sanglants, déchirés et palpitants encore, / Enterrés sous leurs toits terminent sans secours, / Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours (…) / Direz-vous, en voyant cet amas de victimes : / Dieu est vengé, leur mort est le prix de leur crime ! / Quelle faute, quel crime ont commis ces enfants, / Sur le sein maternel écrasés et sanglants (…) / Un jour tout sera bien, voilà notre espérance. / Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion. »

Et voici maintenant la réponse très moderne de Rousseau à Voltaire.

« Convenez que si la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre et peut-être nul. Tout eût fui au premier ébranlement et on les eût vus le lendemain de là, à vingt lieues de là, aussi gais que s’il n’était rien arrivé. Mais il faut rester, s’opiniâtrer autour des masures, s’exposer à de nouvelles secousses parce que ce qu’on laisse vaut mieux que ce qu’on peut emporter. Combien de malheureux ont péri dans ce désastre pour vouloir prendre l’un ses habits, l’autre ses papiers, l’autre son argent. »

Et Pascal Bruckner d'ajouter:

"Rousseau pointe ici tous les défauts qu’il déteste dans la civilisation : l’avarice des hommes, leur instinct de propriété mais surtout l’absurde besoin de s’agglomérer les uns avec les autres dans des cités avec la corruption qui s’ensuit. Contre toute attente, il pense non en fataliste, mais en moderne. L’horreur aurait pu être évitée avec un peu de raison et de prévision. Le monde n’est pas absurde, comme le voudra Candide, il est juste mal organisé,."

On ne peut être que frappé par la pertinence des propos de Rousseau, des propos qui résonnent aujourd'hui de manière très douloureuse.

Quelles leçons avons-nous retenues du tremblement de terre de 1755 ? 

La zone frappée en Turquie était à la jonction de plaques sismiques: plus de 50 séismes en un siècle. Or, il se trouve que l'on sait construire des habitats capables de résister à des séismes aussi puissants que ceux qui ont frappé hier le sol turc.

Bien sûr, vous me répondrez que les pays pauvres n'ont pas les moyens financiers de mettre en oeuvre de telles dispositions constructives. Soit ! Dans ce cas il faut, tout comme l'indiquait Rousseau, éviter la verticalité et opter pour l'horizontalité...

Non, décidément, nous n'avons rien appris.

 

Tremblements de terre ... ou quand Rousseau répondait à Voltaire...
Partager cet article
Repost0