Bonjour les amis,
J'ai vu pour vous (et pour moi) cette semaine IL TRADITORE le dernier film de Marco Bellocchio qui a été présenté à Cannes et dont voici le synopsis.
Au début des années 1980, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est à son comble. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, fuit son pays pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, en Italie, les règlements de comptes s'enchaînent, et les proches de Buscetta sont assassinés les uns après les autres. Arrêté par la police brésilienne puis extradé, Buscetta, prend une décision qui va changer l'histoire de la mafia : rencontrer le juge Falcone et trahir le serment fait à Cosa Nostra.
Ce film est une grande fresque de 2 heures et 40 minutes qui est conçue comme un opéra en 3 actes qui se déroule en Sicile, au Brésil, à Rome et aux Etats-Unis.
Bellocchio évite soigneusement de faire de Buscetta un héros ou un mythe mais le spectateur ne peut-être que fasciné par son caractère puissant, par la cruauté des dilemmes qu'il doit résoudre et par sa métamorphose au cours du film.
L'histoire est très bien racontée et même s'il y a de nombreux personnages le spectateur ne s'y perd pas.
La réalisation est académique mais réserve de nombreux passages oniriques, flamboyants et lyriques qui nous rappellent qu'on a affaire à un très grand metteur en scène : la fête d'ouverture censée sceller la paix entre clans, l'attentat contre le juge Giovanni Falcone, le face-à-face judiciaire de Buscetta avec l'un de ses comparses, un cauchemar de Buscetta, le final qui nous remet en perspective toute cette trajectoire...
La bande-son sert parfaitement l'image et, par exemple, l'utilisation du choeur des esclaves du Nabucco de Verdi arrive à point nommé pour donner au film son caractère onirique.
L'interprétation de Pierfrancesco Favino en Tommaso Buscetta est magistrale, toute en nuances. Il sait parfaitement nous faire partager la complexité de son personnage, nous faire entrer au coeur de ses doutes, de ses souffrances (le souvenir de ses 2 fils assassinés), de ses repentirs aussi...
Mais Bellocchio n'en fait pas pour autant un saint. Buscetta pour accéder à son poste a dû commettre lui-aussi des atrocités. Il possède un caractère très hédoniste : c'est un homme à femmes, père de nombreux enfants, qui a été marié 6 fois, qui n'est pas assoiffé de pouvoir mais qui aime mordre la vie à pleines dents. En cela il s'oppose complètement à Toto Riina qui est un monstre cruel, ignoble, pervers et froid, obsédé de puissance mais qui vit terré comme une taupe.
Buscetta se transforme au cours du film et finit par se sentir investi d'une mission purificatrice mais ne se raconte pas d'histoires sur lui-même. Il sait que tout a commencé quand il n'avait que 16 ans (17 ème enfant d'une famille très humble) et qu'il promettait fidélité à l'association mafieuse. Et il n'en n'est que plus touchant.
Les dialogues entre Buscetta et Falcone donnent au film de la profondeur avec une réflexion sur le pouvoir, la vie, la mort...Les regards sont magnifiquement filmés. Parfois tout est dans le non-dit...Buscetta le traître n'a pas peur de regarder ceux qu'il a trahis droit dans les yeux...Tout cela est filmé avec une terrible justesse.
Le spectateur ne peut être que troublé et ému.
L'histoire de Buscetta est tellement riche en faits et en anecdotes que Bellocchio aurait pu s'y perdre mais il a su en extraire l'essentiel pour réaliser un film d'une grande homogénéité et d'une grande cohésion.
LE TRAÎTRE c'est un film ambitieux, une saga en forme de fresque et d'opéra qui restera dans l'histoire du cinéma.
Je terminerai ce billet en vous offrant en prime HISTORIA DE UN AMOR, une chanson très mélancolique et nostalgique qu'on entend dans le film et que Buscetta aimait interpréter dans les fêtes familiales...
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