J' ai été particulièrement sensible à cette histoire, et le film a provoqué un flash-back personnel, qui n'a rien à voir avec la première guerre mondiale, mais qui m' a replongé dans un épisode de ma vie affective...
C' était en 1981.Mitterrand venait d' être élu président et l' Europe entière s' interrogeait avec inquiétude sur son premier gouvernement dans lequel étaient entrés 6 ministres communistes ( j' étais moi-même affilié au PC à l' époque).
Je décide d' aller en Grande-Bretagne au mois de Juillet passer des vacances, avec une carte inter-rail qui me permettra de me déplacer librement, et gratuitement sur tout le territoire grand-breton.Mon idée c' était d' improviser mon voyage,sans route précise, et d' aller d' auberges de jeunesse en bed and breakfast, au gré de mes inspirations.
Donc, arrivé au mois de Juillet me voila embarqué vers la Grande -Bretagne.Premier arrêt à Londres où je passe deux ou trois jours et je décide ensuite d' aller vers l' Ecosse.
Dans le compartiment du train qui m' amène à Edimbourg, s' asseoit un jeune couple allemand.La jeune fille est très séduisante, de taille moyenne,au regard bleu clair,avec une jolie frimousse à la Claudia Schiffer, quelques tâches de rousseur,une chevelure blonde comme les blés coupée au carré, et des formes avantageuses et sensuelles qui ne pouvaient me laisser insensible.Une beauté très naturelle sans aucun artifice ni maquillage.
J' étais plongé dans la lecture de Perceval ou le conte du Graal.A l' époque le film EXCALIBUR de John Boorman triomphait sur tous les écrans et nous étions tous épris de légendes arthuriennes.
Pendant ma lecture, je sens que la jeune fille parle de moi en allemand à son ami qui semble approuver ce qu' elle dit.Puis, elle engage la conversation avec moi.Elle se présente.Elle s' appelle Petra, et son copain s' appelle Jürgen. Elle me demande si je suis en vacances, et puis, rapidement, au fil de la conversation elle me propose que nous découvrions Edimbourg ensemble tous les trois.J' accepte de bon gré l' invitation.
Dans les jours qui suivront, nous visiterons ensemble la ville et les alentours, irons dans les pubs ...On se raconte notre histoire personnelle, nos études, nos projets professionnels.
Nous parlons beaucoup de musique, de cinéma, de littérature, de politique avec la gauche qui vient d' arriver au pouvoir...J' apprends beaucoup de choses sur la culture allemande. Jürgen se sent obligé, à un moment donné de me parler de son père qui a été pilote dans l' aviation allemande durant la seconde guerre mondiale , ce qui lui a , entre autres, provoqué une surdité. Jürgen me dit que son père n' aime pas parler de cet épisode de sa vie.Je ressens parfaitement chez ce jeune couple l' envie de ne pas cacher, de ne pas occulter cet épisode obscur de l' histoire de leurs parents qu' ils se sentent obligés d' assumer.
Bien évidemment, au cours de nos conversations, je prends bien soin de leur faire comprendre que pour nous, il est hors de question de faire porter à la nouvelle génération allemande le poids des pêchés du nazisme.Et que, par ailleurs, nous ne confondons pas soldats allemands de la Wehrmacht et nazis.
Je me sentais très bien avec ce couple avec lequel s' était noué une sincère amitié. Seulement,il y avait un petit problème quand même.J' étais de plus en plus sous le charme de Petra qui était très séduisante, et je trouvais que la situation devenait de plus en plus fausse et malsaine vis-à-vis de Jürgen.
Donc, je prends la décision de continuer le voyage seul vers les îles Orcades et de prendre congé de mes amis allemands.Nous échangeons nos adresses et nous promettons de maintenir le contact, une fois de retour à la maison.
Mon voyage continue donc sans eux.Je suis sous le charme de ces îles du Nord, et de l' immense sérénité et quiétude qui s' en dégagent.Je décide ensuite de redescendre l' Ecosse par la côte Ouest jusqu' à arriver à l' île de Sky où je fais de magnifiques balades en solitaire dans des paysages de montagnes.
Je prends la décision d' aller en Irlande, et quand j' arrive à la gare de Dublin... SURPRISE SURPRISE...J' entends la voix d' une fille qui crie mon prénom dans mon dos.
Je me retourne et qui vois-je ? Petra et Jürgen qui sont là également.
Alors là, les amis, j' aime autant vous dire que j' ai un vrai coup au coeur, et que j' y vois presque un signe du destin.
Nous n' avions convenu de rien, et nous nous retrouvons, PAR HASARD, dans un autre pays.
Nous nous congratulons de ces retrouvailles imprévues.Chacun raconte ce qu' il a vécu pendant la semaine antérieure, et puis nous reprenons naturellement notre voyage ensemble, et découvrons les mille et un trésors de l' Irlande et ses fabuleux paysages.
Nous ferons la traversée de retour en bateau vers l' Angleterre ensemble.Cela restera l' un des plus beaux souvenirs de ces vacances. Petra qui était rayonnante.Nous étions confortablement installés dans un salon du bar, avec vue sur une très belle mer, en dégustant du Whisky. Je me souviens même de la marque.C' était du Dimple.
C' était évident que je devenais de plus en plus amoureux de Petra, mais il était hors de question de trahir Jürgen, ou de le tenter.Ce mec était vraiment sympa, et la seule chose que je pouvais faire c' était de l' envier secrètement, sans rien en laisser paraître.
J' ai essayé de la jouer "classe"...
Nous nous sommes définitivement quittés quelques jours plus tard sur le quai de la gare à Calais.
Et puis, une fois de retour chez moi, je suis resté avec leur adresse sur ma table de chevet.
Je n'ai plus jamais repris contact avec eux.La raison en était simple.J' avais bien trop envie de revoir Petra qui s' était transformée, peu à peu, en mon idéal féminin...
Aujourd' hui, quand je repense à cette histoire j' ai envie de me donner des baffes.Comment peut-on être aussi sot !
Petra était une vraie petite princesse nordique.Elle m' enchantait, et c' est elle qui était venue vers moi.Que me fallait-il attendre de plus pour réagir ?
Difficile de ne pas penser à ce que serait ma réaction si je revivais cette même situation mais avec mon état d' esprit actuel.Une chose est sûre.J' aurais peut-être respecté Jürgen mais je ne serais pas parti sans laisser un indice clair à Petra que mon coeur était libre, et qu' il ne tenait qu' à elle de s' en saisir.
Alors, pour revenir au film de François Ozon, il y a un moment-clé dans le film: une scène sur un quai de gare, où j' ai envie de baffer l' un des personnages...mais pour être complètement sincère, c' est moi-même que j' avais envie de baffer....quand moi aussi j' ai dit au revoir sur un quai de gare à Petra, sans oser lui envoyer un signal clair et pas équivoque.