Une curieuse polémique est en train de naître en Espagne après que le conseil municipal du village de Rasquera( province de Tarragona) ait décidé de louer 7 hectares pour la culture du cannabis à une association de fumeurs de Barcelone comptant plus de 5000 membres.
Le maire du village a proposé à ses administrés ce moyen peu orthodoxe pour générer l' argent nécessaire pour faire face aux difficultés financières et à l' endettement de sa petite bourgade.L' idée serait donc , d' une certaine manière, d' autoriser la culture du cannabis afin de "sortir de la crise" sachant que l' association barcelonnaise est prête à payer 1,3 millions d' euros en deux ans pour la cession de ces terrains.
Le principal problème est qu' aujourd' hui, personne en Espagne n' est capable de savoir avec exactitude si l' initiative de ce village est illégale car la situation juridique est pour le moins confuse pour ne pas dire paradoxale.
En effet, d' un côté, la consommation de marihuana et d' autres drogues dites douces n' est pas prohibée ( sauf dans les lieux publics), et de l' autre, la culture au sens habituel du terme et le trafic sont interdits par le code pénal avec des peines pouvant aller jusqu' à 6 ans de prison.
Malgré tout, la jurisprudence espagnole accepte que les particuliers puissent faire une culture limitée pour une consommation "personnelle" ou "partagée" à but thérapeutique ou ludique...
Les petits clubs d' amis cultivent déjà au pays basque ( 50 associations) et en catalogne( une trentaine d' associations) avec le consentiment des autorités judiciaires.
Le village de Rasquera pose problème car cette fois-ci on passe à une autre échelle: ce n' est plus le petit club de copains qui cultive quelques plantes au fond du jardin avec une semi-complaisance des autorités locales mais 5000 membres d' une association qui disposeront de 7 hectares qui pourraient être mis en exploitation.
Donc le ministère public de la Région de Catalogne va devoir trancher très rapidement sur la légalité de l' initiative du conseil municipal de Rasquera car ce cas risquerait vite de faire école et de s' étendre comme une traînée de poudre dans tout le pays si l' Etat n' y mettait pas un frein, ou tout du moins un peu d' ordre.
La bataille judiciaire sera intéressante car , en fait, il ne sera pas aussi simple d' interdire les futures plantations du village en se basant sur le seul fait que la taille de l' exploitation est un peu trop grande. Comment interdire à ces villageaois ce que l' on a consenti par ailleurs pour des petits groupes d' amis ?
Ce débat donnera peut-être l' occasion au pouvoir politique d' affronter avec maturité un phénomène qui touche tous les secteurs de la société.Il y a tellement d' hypocrisie sociale autour de ces questions que ça obligera l' Etat à se définir lui-même de manière un peu plus cohérente tout en essayant de sortir de ce flou artistique..
Je terminerai ce petit billet par quelques considérations personnelles avec lesquelles j' imagine que vous ne serez pas forcément d' accord.
Je suis personnellement contre la décision du conseil municipal de Rasquera.Si on commence à cultiver du cannabis de manière anarchique dans la péninsule pour sortir de la crise, on pourra dire qu' il y a quelque chose qui VA TRÈS MAL dans ce pays !!!
Pour paraphraser un grand dramaturge, on pourra s' exclamer " qu' il y a quelque chose de pourri au royaume d' Espagne" . Par ailleurs, en vertu de quoi les bénéfices engendrées par ces cultures devraient aller à un village plutôt qu' à la communauté nationale ou pour le moins régionale?
C' est à l' Etat de prendre ses responsabilités: ou le cannabis est légal dans un cadre prévu par la loi, ou il ne l' est pas... To be or not to be !!
Si l' Etat admet un certain degré de légalité à la culture du cannabis, dans ce cas, c' est lui qui doit programmer l' extension et la répartition géographique des sites de production tout comme pour le tabac, et c' est lui qui doit également garantir la qualité et la quantité des productions.
J' imagine déjà vos objections: qu' en est-il de la liberté de tout un chacun de cultiver son petit plant à la maison ? Je crois, qu' en cas de légalisation,la loi pourrait avoir une tolérance qui limite la culture domestique au strict usage personnel pour éviter tous les trafics à grande échelle.
ALEA JACTA EST
NB: petite observation un peu hors-sujet : inutile de vous dire que cette initiative est une TRÈS TRÈS MAUVAISE nouvelle pour tous les trafiquants qui amènent ces produits de " l' extérieur"..... Bien évidemment, tous les grands dealers et tous les mafieux sont contre la légalisation des drogues , cela va sans dire....