Elle y sera lundi pour une visite de deux jours aux allures de mission impossible. Accompagnée du conseiller spécial de l'ONU sur la prévention du génocide, la haut-commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay, va tenter de rétablir un semblant de paix dans un Soudan du Sud en proie aux tueries. Derniers massacres en date, l'attaque, la semaine dernière, d'une base de l'ONU abritant des milliers de réfugiés (58 morts) puis l'assassinat de plus de 200 civils à Bentiu. Toby Lanzer, adjoint au représentant spécial pour le Soudan, a décrit "des piles et des piles de corps. Sans doute les tueries les plus atroces depuis le déclenchement de la guerre civile".
Pays frontalier de la Centrafrique, du Soudan, de l'Éthiopie, du Kenya, de l'Ouganda et de la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud n'a que trois années d'existence. Sa création remonte à l'organisation d'un référendum d'autodétermination suivi d'une sécession en 2011. Mais dès sa naissance, des combats éclatent du côté nord de la frontière entre les forces armées soudanaises et le Mouvement pour la libération du peuple soudanais, entraînant l'exode de près de 200.000 personnes. Démilitarisation de la frontière mais surtout partage des ressources pétrolières et de l'eau continuent d'envenimer les relations entre les deux voisins. Mais le Sud est aussi déchiré par de fortes tensions ethniques. Une guerre sans merci depuis décembre 2013 entre les troupes loyales au président Salva Kiir (de l'ethnie dinka) et les rebelles de l'ethnie nuer emmenés par l'ex-vice-président Riek Machar. Les combats ont fait des milliers de morts et forcé 78.000 personnes à chercher refuge dans des sites de l'ONU ou dans les pays voisins.
MSF dénonce l'escalade de la violence
À plusieurs reprises, Médecins sans frontières a dénoncé l'escalade de la violence. À Malakal, MSF a dû interrompre temporairement ses activités avant de découvrir une scène d'horreur : "Il y avait onze cadavres dans l'hôpital, des patients tués dans leur lit, explique Carlos Francisco, chef de projet à Malakal. Le centre de nutrition avait été incendié et les réserves pillées. L'hôpital était méconnaissable." MSF a permis à plusieurs dizaines de personnes d'être sauvées en étant transférées dans un camp des Nations unies mais là encore, les conditions de survie sont épouvantables. "Plus de 20.000 personnes sont entassées dans un camp surpeuplé, dans de terribles conditions", ajoute Carlos Francisco. Les réfugiés manquent cruellement d'espace et d'eau potable et les conditions sanitaires sont très mauvaises.
Que peuvent faire les Nations unies pour éviter un nouveau Darfour, voire un autre Rwanda? Dix mille employés de l'ONU sont déployés sur le terrain et gèrent cinq camps. Contrairement au dossier syrien, les membres permanents du Conseil de sécurité parlent d'une même voix, y compris la Chine, qui a beaucoup investi dans le pétrole sud-soudanais. Mercredi, le Conseil de sécurité de l'ONU a ainsi condamné "les attaques systématiques contre les civils sur une base ethnique" et menacé de prendre "des mesures appropriées" contre les responsables d'exactions. Dans la foulée, les autorités ont libéré quatre ex-dignitaires du régime et appelé les accusés libérés à "coopérer" en vue de la réconciliation. Une très timide éclaircie dans un ciel terriblement assombri.