J' écrivais il y a quelques semaines que la crise économique, et que les mesures draconiennes de restrictions budgétaires imposées par le gouvernement de Mariano Rajoy ne manqueraient pas de raviver les tensions nationalistes et indépendantistes en Espagne.
C' est maintenant chose faite.
Le 11 septembre dernier, jour de la " Diada", fête nationale officielle en Catalogne, a été l' occasion pour plus 600 000 personnes de défiler dans les rues de Barcelone pour réclamer leur indépendance.
Le président de la région Artur Mas a déclaré que les catalans étaient " fatigués" de leur relation avec l' Etat Espagnol et a réclamé, entre autres, une pleine souveraineté de sa "région-nation" en matière de fiscalité: c' est à dire toutes les compétences pour collecter les impôts et la possibilité de renégocier avec Madrid la contribution de sa région avec l' Etat central. Mas considère que si la Catalogne ne subventionnait pas à ses propres dépens le bien-être des autres communautés déficitaires, son PIB par habitant pourrait être proche de celui de l' Allemagne...
Dans les jours qui suivirent la manifestation de Barcelone, une réunion eut lieu avec le chef du gouvernement espagnol et le président Artur Mas sans pour autant arriver à un début d' accord ou à un calendrier de négociations.
La semaine dernière, le Roi d' Espagne Don Juan Carlos appelait tous ses concitoyens à rester unis pour se sortir de la crise, et à ne pas poursuivre des " chimères"....allusion à peine voilée aux vélléités séparatistes et nationalistes.
Cette situation d' impasse a donc provoqué un défi et un véritable bras de fer de la part des responsables politiques catalans.
Ceux-ci brandissent la menace d'élections régionales anticipées à l' issue desquelles la Catalogne pourrait s' autodéclarer comme un Etat libre et indépendant.
Le lecteur peut imaginer le casse-tête constitutionnel d' une telle initiative car l' un des premiers articles de la constitution espagnole stipule que l' Espagne constitue une identité nationale indivisible..impossible donc, d' avancer l' un vers l' autre sans changer cet article.
Je rappelle au lecteur qui ne connaîtrait pas très bien la réalité socio-historique espagnole que la Catalogne possède une très forte spécificité culturelle avec notamment une langue officielle propre, le Catalan qui est parlé également à Mallorque et dans la Région de Valencia.Même si la Catalogne est étroitement associée à l' histoire de l' Espagne on peut considérer qu' il y a autant de différences entre l' Espagne et la Catalogne, qu' il y en a entre le Portugal et l' Espagne.La même situation se reproduit avec la région de Valencia dont le royaume sera définitivement anéanti et adjoint au reste de la Castille après la défaite des valenciens à la bataille d' Almansa en 1707 contre le roi bourbon...cette bataille n' a cependant pas fait oublier à une partie des habitants de la région de Valencia qu' ils ont été colonisés par les castillans.Encore aujourd' hui, en 2012, certains de mes collègues valenciens parlent des Madrilènes comme s' il s' agissait d' étrangers..pour ne pas dire des envahisseurs.
Bruxelles voit avec beaucoup d' inquiétude l' émergence de ces volontés séparatistes mais, contrairement à ce que l' on pourrait croire, les Catalans se sentent complètement européens et, qui plus est , veulent utiliser le cadre des accords européens entre Etats pour faire triompher leur volonté de souveraineté nationale.
Cette situation est difficilement compréhensible pour les français qui ont une vision très jacobine et centraliste de leur propre Etat, mais pour moi qui vit dans ce pays depuis plus de 2 décennies, je peux, en tant qu' observateur privilégié témoigner de ces profonds sentiments nationalistes.Les nationalistes que je connais ne sont pas violents et veulent faire valoir la reconnaissance de leur Etat par des voies démocratiques.Ils se sentent catalans et pas espagnols,ou valenciens et pas espagnols, avant même de se définir de droite ou de gauche..D' ailleurs , le parti d' Artur Mas, est clairement de droite.Mas est un parfait représentant de la bourgeoisie catalane.
Le problème posé échappe donc complètement aux habituels clivages gauche-droite...
Il est très difficile de savoir avec exactitude quel est le projet poursuivi par le parti d' Artur Mas et je n' ai donc pas d' idées définitivement arrêtées sur ce sujet très complexe, mais il me semble que l' une des solutions consisterait peut-être en une évolution de l' Etat Espagnol vers une constitution de type confédérale...Ce chemin reste à inventer et obligera les protagonistes de ce contentieux à trouver des terrains d' entente afin d' éviter des convulsions sociales que personne ne désire...
je vous laisse avec quelques images impressionantes de cette manifestation de la Diada à Barcelone...des images " obsédantes" que Mariano Rajoy aimerait oublier mais qui vont se répéter à l' avenir de manière insistante....
Post Scriptum: Mardi 25 Septembre..l' actualité s' accélère.
Ça y' est, la bataille est définitivement engagée. Artur Mas annonce l' organisation d' élections anticipées avec 2 ans d' avance.Elles auront lieu le 25 Novembre prochain.Ça va être très très chaud.....