Les récentes élections en Italie sont tout à fait passionnantes à décrypter, et l'émergence du mouvement "5 étoiles" de Beppe Grillo à de quoi interpeller tous les démocrates.
La stratégie de Grillo qui est de redonner une voix au citoyen lambda écoeuré par la crise morale et institutionnelle qui secoue le pays est en soi louable et jusque là , il n' y a rien à redire et je serais presque tenté d'y ajouter que j'y adhère moi-même ... L'Italie, comme tous les pays européens touchés par la crise a sans doute besoin de redéfinir les règles de son jeu démocratique et de bousculer la routine stérile de son establishment.
Par contre, quand on lit le programme de Grillo, on ne peut être qu' inquiet par sa volonté de court-circuiter les partis et d'ériger INTERNET comme courroie de transmission privilégiée entre les citoyens et les députés. Le mouvement 5 étoiles ne veut pas entrer dans une logique de pacte de coalition avec les forces traditionnelles, et il y a dans cette attitude un peu facile et très démagogue, sans doute un manque profond de responsabilité politique.
On ne peut pas laisser croire que l'on peut gouverner un grand pays comme l'Italie, sans un sérieux programme préétabli qu'il faudra ensuite défendre et assumer devant la citoyenneté, ni laisser croire que l'on peut se cantonner dans une simple stratégie de soutien ponctuel au parlement au coup par coup, sans aucune perspective à long terme qui garantisse un minimum de cohérence et de gouvernabilté, sous peine d'avoir une crise institutionnelle toutes les 2 semaines.
Utiliser INTERNET pour vouloir supprimer la courroie de transmission que sont les partis politiques n'est pas sans risques pour la démocratie.
Je ne prendrai qu' un seul point du programme de Grillo : il propose de supprimer tout simplement le financement public des partis politiques.
Et bien cela veut donc dire que ceux-ci vont se financer exclusivement à partir de fonds privés, et là je vous laisse imaginer l'aubaine que ce sera pour les forces du grand capital. Cette mesure va tout simplement laminer les petits partis qui n'auront pas des liens étroits avec le monde des affaires et de la finance. Cette mesure populiste de Grillo pourrait se révéler complètement toxique pour la bonne santé démocratique du pays.
Penser qu'on peut gouverner à partir d' internet est un leurre. Internet est un formidable outil, mais il n' est qu'un outil qui à lui seul ne peut se substituer au travail réalisé par les formations politiques et par leurs militants. On risque de voir l'émergence en moins de 24 heures de leaders charismatiques qui pourraient surfer sur la vague de ce que désire l'opinion publique sans aucun sens du devoir ni de la responsabilité politique. On risque de voir des espèces de "turbodéputés" jetables au bout de 4 ans qui ne travailleront ni dans la continuité, ni sur le long terme. Ça risque de devenir le triomphe des histrions, des comédiens, des beaux-parleurs...je vous concède que ça l'était déjà avec Silvio Cétoileplubo mais là, la tendance risque de s'accentuer.
J'espère me tromper en écrivant cet article et j'aimerais pouvoir me dire que ce qui vient de se produire est très sain et d'une certaine manière salutaire, mais l'Italie d' ù je suis originaire m'a trop longtemps habitué à ses excès, et parfois à son manque de discernement. Je n'aimerais pas que le pays de mes parents se transforme en laboratoire européen des erreurs qu' ils ne faut pas commettre.
Affaire à suivre donc...avec beaucoup de circonspection et à la loupe...