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6 juillet 2022 3 06 /07 /juillet /2022 17:28

Bonjour les amis,

il y a 15 jours on m'a prêté un livre une peu hors-normes écrit par Philippe Sands, un grand juriste international franco-anglais dont la famille juive a été décimée durant la seconde guerre mondiale.

Il s'agit de LA FILIÈRE, un ouvrage né de la rencontre de l'auteur avec Horst Von Wächter, fils d'Otto Von Wächter, un dignitaire nazi de très haut rang qui était en contact direct avec Himmler.

Philippe Sands

Philippe Sands

Résumé du livre :
Membre convaincu du parti nazi dès 1923, aveuglément soutenu par son épouse Charlotte, nazie tout aussi fervente, Otto von Wächter a rapidement intégré l'élite hitlérienne, devenant notamment, après l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, gouverneur de Cracovie en Pologne, puis gouverneur du district de Galicie, dans l'ouest de l'Ukraine actuelle - deux territoires qui furent le théâtre de l'extermination des Juifs.
En 1945, après la défaite du Reich, il parvient à fuir, se cache dans les Alpes autrichiennes avant de rejoindre Rome et le Vatican, qui abrite l'une des principales filières d'exfiltration des nazis vers l'Amérique du Sud. C'est là qu'il trouve la mort, en 1949, dans des circonstances pour le moins suspectes. Comment a-t-il pu se soustraire à la justice, de quelles complicités a-t-il bénéficié ? A-t-il été réduit au silence ?
Intrigues politico-religieuses, espionnage, traque et vie cachée d'un criminel, décès énigmatique, dévotion filiale et passion amoureuse, secrets d'alcôve et trahisons : faisant la lumière sur le parcours incroyable d'un haut dignitaire nazi en fuite, l'enquête méticuleuse de Philippe Sands dresse un tableau saisissant de l'échiquier politique à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à l'aube de la guerre froide.

 

Le petit Horst en 1944 (il a 5 ans) en compagnie de sa soeur Traute et de ses parents Otto et Charlotte

Le petit Horst en 1944 (il a 5 ans) en compagnie de sa soeur Traute et de ses parents Otto et Charlotte

Alors ce qui est troublant dans ce livre c'est la relation qui se noue entre Philippe Sands (petit-fils de victimes) et Horst ( fils d'un nazi de haut-rang). Horst ne cherche pas à nier les horreurs de la shoah ni  à les justifier, mais il tente de défendre la mémoire de son père qu'il considère comme un " homme décent, un homme de bien" qui aurait été pris dans la tourmente hitlérienne. Otto aurait été, selon Horst, une personne séduite dès le départ par le projet hitlérien mais n'aurait jamais signé de sa propre main l'éxécution de milliers de personnes innocentes.

Evidemment, on n'a pas retrouvé de tels documents, mais on voit mal, étant donné les responsabilités d'Otto Von Wächter durant la guerre (il était ni plus ni moins que gouverneur en Pologne et aussi en Ukraine) comment ces exactions auraient pu se produire sans son approbation directe,  même si on ne trouve pas de traces d'ordres signés de sa part. Cela paraît invraisemblable.

Malgré tout l'attitude ouverte de Horst durant l'enquête menée par Sands nous interpelle car on sent la sincérité d'un homme qui croit que son papa aurait été incapable de telles abominations. Horst explique même, mais sans en apporter la preuve, que son père aurait aidé des juifs notamment en Ukraine.

Horst va commencer à fournir à Sands quantité de documents familiaux qui permettront à celui-ci d'ouvrir une véritable enquête assez approfondie.

Horst Von Wächter de nos jours

Horst Von Wächter de nos jours

Quand je suis arrivé à peu près à la moitié du livre Philippe Sands parle d'un documentaire réalisé par David Evans dans lequel apparaissent 3 personnages: Horst, Philippe Sands, et Niklas Frank, fils d'un autre dignitaire nazi de très haut rang qui a été jugé à Nuremberg et condamné à mort par pendaison. Le père de Horst avait travaillé sous les ordres du père de Niklas.

Niklas  contrairement à Horst ne pardonne rien à son père. Il s'en explique: " Mon père a reçu une éducation religieuse qui lui a permis de bien connaitre la différence entre le bien et le mal, il a connu la République de Weimar et avait de très bonnes notions de ce qu'est la justice et la démocratie."

J'ai donc interrompu momentanément la lecture du livre pour visionner ce documentaire qui me faisait revisiter avec ces 3 personnages une bonne partie des lieux où se sont produits les tragiques événements décrits dans la première partie du livre.

Le documentaire intitulé WHAT OUR FATHERS DID: A NAZI LEGACY est assez poignant.

Tout est dans le titre:  CE QUE NOS PÈRES ONT FAIT. L'HÉRITAGE NAZI

En voici la bande annonce.

Le documentaire est accessible dans son intégralité sur youtube mais, malheureusement l'image est volontairement piquetée...Les sous-titres anglais permettent malgré tout pour les non-anglophones de suivre les échanges toujours respectueux, mais parfois assez durs, entre les 3 protagonistes.

Evidemment j'ai regardé ce doumentaire en étant scotché du début à la fin car j'y voyais les lieux exacts décrits dans le bouquin, mais aussi parce qu'il y avait quelque chose de réellement touchant dans l'attitude de Horst. Au début il m'agaçait un peu mais au fur et à mesure je comprenais mieux son point de vue (sans toutefois y adhérer)...C'est l'attitude d'un petit garçon qui dit que ce portrait qu'on fait de son père n'est pas celui de l'homme qu'il a connu. Horst raconte qu'il n'a jamais entendu son père dire du mal des juifs à la maison, qu'il ne l'a jamais entendu inculquer de la haine à ses enfants ou à son épouse...

Nous voilà plongés au coeur de la problématique du Mal. Otto Von Wächter était aussi un bon père, et son épouse Charlotte, elle-même nazie convaincue, l'aimait passionnément.

Je vous livre ci-dessous une très bonne critique du documentaire de David Evans.

A noter à la fin de ce documentaire une scène assez édifiante, en relation avec l'actualité et les événements de Maidan. On voit des nostalgiques ukrainiens qui arborent des symboles nazis lors d'un enterrement et qui rendent hommage à Horst. Ils lui disent que son père avait été quelqu'un de bien...Une scène hallucinante qui remplit d'indignation Niklas qui ne peut s'empêcher de leur répondre de manière très véhémente: " Vous devriez avoir honte !".

 

A la fin du documentaire Niklas a des propos assez durs envers Horst. Et celui-ci, profondément blessé, va se sentir obligé de faire un geste supplémentaire vis-à-vis de Philippe Sands pour lui montrer sa bonne foi. Horst va mettre à disposition de Sands toute la nombreuse correspondance de sa mère avec son père. Une correspondance très nourrie, un matériel volumineux qui demandera même à Sands l'aide d'une équipe de travail pour traiter toute cette information. C'est la deuxième partie du livre LA FILIÈRE.

Ces documents livrés par Horst  permettront à Sands de reconstituer l'itinéraire d'Otto durant sa fuite et les complicités dont il aura besoin: ex-nazis devenu agents de la CIA, évêques haut placés au Vatican où il finira par trouver la mort dans une clinique. Sands enquêtera sur les circonstances de la mort d'Otto car Horst est convaincu que son père a été empoisonné.

L'intérêt de cette histoire très particulière est aussi de nous en apprendre beaucoup sur l'histoire avec un grand H. Otto Von Wächter et son épouse Charlotte ont été constamment en rapport avec des personnages de premier rang, mais aussi des artistes, des grands compositeurs, des écrivains comme , par exemple, Curzio Malaparte. C'est une plongée au coeur de l'Europe au moment de la montée du fascisme, puis de la 2ème guerre mondiale puis de la chasse aux nazis à la libération  Quand on tourne la dernière page du livre on est saisi d'un énorme vertige.

 

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commentaires

C
J'ai relu votre post, un passage vient de me frapper :<br /> <br /> "Horst raconte qu'il n'a jamais entendu son père dire du mal des juifs à la maison, qu'il ne l'a jamais entendu inculquer de la haine à ses enfants ou à son épouse..."<br /> <br /> Cela m'a rappelé les mémoires d'Albert Speer "Au coeur du troisième Reich " ou il expédie en une ligne le sort des juifs : il n'avait rien contre eux mais "ne se sentait pas concerné" par leur sort, bref un arriviste qui aurait fait carrière sous n'importe quel régime.
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A
Il y a aussi le livre de Robert Merle LA MORT EST MON METIER...Pour écrire son roman Merle avait lu les entretiens que le psychologue américain Gustave M. Gilbert avait eu avec Rudolph Hoess, des entretiens qui expliquent mieux que les minutes du procès ce qui se passe dans l'esprit de ceux qui ont appliqué des ordres qui envoyaient des milliers de gens à la mort.
A
Oui c'est frappant. Certaines personnes sont prêtes à obéir à tout sans dilemme moral...Vous vous souvenez du film SECTION SPECIALE de Costa Gavras de 1975 racontant la formation de tribunaux d'exception. Les magistrats qui la formèrent acceptèrent des nouvelles lois tout en sachant parfaitement qu'elles enfreignaient toutes les bases élémentaires du droit...ça ne les empechait pas de dormir...<br /> https://www.youtube.com/watch?v=N2FgW2DjSyg
L
Niklas fils était bien plus réaliste que Horst fils... On peut très bien avoir une vie professionnelle et une vie privée dans lesquelles on se comporte différemment...
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A
Niklas est plus lucide mais le rôle exact et la responsabilité de son père sont plus faciles à établir. Le père de Horst ne s'est jamais lancé dans des grands discours prônant l'extermination des juifs. Par contre, il a appliqué sans trembler tous les ordres qu'imposaient sa mission de Gouverneur aux pires moments de la guerre...S'il avait été capturé tout indique qu'il aurait été condamné à mort comme les autres.
L
Je commente au fur et à mesure que je lis...<br /> Tu as dû mélanger le père et le fils, Horst à la place de Otto...<br /> ... étant donné les responsabilités de Horst durant la guerre (il était ni plus ni moins que gouverneur en Pologne et aussi en Ukraine)...
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A
Merci de me signaler cette erreur entre Horst et Otto. je viens de rectifier l'article.
R
Très intéressant, en effet, avec ce thème du poids de l'héritage pour les enfants, avec des ressentis différents... un récit qui a valeur de document, un ouvrage historique sur la deuxième guerre mondiale... un ouvrage touffu, sans doute...<br /> <br /> Sur France culture une série d'émissions sur cet ouvrage :<br /> <br /> https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-filiere<br /> <br /> <br /> <br /> Belle soirée, AJE
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A
Je mets un extrait assez cocasse d'une lettre de Charlotte au moment où les américains ont réquisitionné sa maison et l'occupent:<br /> "... Après cela, nous sommes restés en contact étroit. Comme les Américains pouvaient communiquer avec nous en anglais, nous<br /> avons passé les soirées ensemble et discuté comme de vieux amis. Leur première question :<br /> « Avez-vous été nazie ? »<br /> J’ai réfléchi rapidement, puis j’ai décidé qu’il n’y avait pas de sens à le nier.<br /> « Bien sûr, j’ai été une nazie très heureuse. »<br /> Ils me regardèrent bouche bée, étonnés, indignés.<br /> « Vous avez vraiment été nazie ? »<br /> Je voyais dans leurs yeux étonnés qu’ils étaient totalement dépassés, et j’ai dit :<br /> « Naturellement, pourquoi pas ? »<br /> « Vous savez, nous avons traversé l’Allemagne pendant quatre semaines et nous n’avons pas rencontré un seul nazi. Comment expliquez-vous cela ? Vous êtes la première. C’est un miracle. »<br /> Cet étonnement, cet enthousiasme devant mon aveu, ouvert, total, m’a surprise. J’ai éclaté de rire.On m’a dévisagée telle une créature mystérieuse et rare. Au cours de la discussion, je leur ai dit, comme je le dis encore, que c’était une grande époque, magnifique, mais aussi qu’Hitler avait la folie des Césars et qu’il était allé au-delà de ce qui était raisonnable. On m’a donné du thé, du café, du sucre, et tout ce que je voulais pour les enfants, du chocolat. Ils étaient si faciles à satisfaire, comme des enfants. Ils m’ont adoptée, j’ai passé des moments formidables."<br /> Quelques semaines plus tard les américains rendirent la maison à Charlotte....Assez cocasse ces américains qui occupent l' Autriche et qui ne trouvent plus le moindre nazi...seule Charlotte ne s'en cache pas...
A
C'est une relation étrange entre Sands et Horst. Sands est obsédé par la tragédie vécue par sa famille ( tragédie dans laquelle Otto est impliqué) et cherche à comprendre la logique des bourreaux. Sands , quant à lui a une envie folle de réhabiliter la mémoire de son père( attitude sincère à 100%) et il partage les documents de famille qui permettront à Sands de pousser plus loin les recherches en reprenant contact avec ceux qui ont aidé Otto dans sa fuite, ou en enquêtant sur les possibilités qu'il y ait eu empoiusonnement. Finalement Horst en sait plus sur son père grâce aux recherches de Sands et il le remercie.<br /> Merci pour les liens. Il y a 10 podcats et je vais me prendre le temps de les écouter.<br /> Bonne fin de soirée l'amie
C
Très intéressant !<br /> Des individus comme Wächter constituaient le second cercle du pouvoir en Allemagne.<br /> <br /> Pour compléter : "Le 28 septembre 1946, le gouvernement polonais demande au gouverneur militaire de la zone d'occupation américaine en Allemagne que Wächter soit livré à la Pologne pour y être jugé pour « meurtres de masse, fusillades et exécutions. Sous son commandement du district de Galicie, plus de cent mille citoyens polonais ont perdu la vie, [...] ». <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_W%C3%A4chter<br /> <br /> Quant au côté bon mari et bon père de certains dignitaire nazis, je vous propose cette citation de Eugen Dolmann tirée de son livre "J'étais l'interprète de Hitler et de Mussolini"<br /> <br /> "En revanche, Himmler était absolument sans pitié, non pas au sens d'un tortionnaire qui se vautre dans le sang de ses victimes ; il n'agissait pas personnellement, laissant ce soin à ses séides.<br /> <br /> Il était profondément imbu de sa droiture personnelle, de l'exemplarité de son mode de vie, de l'inébranlabilité de ses principes et de ses conceptions. C'était ce qui le rendait si dangereux."
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A
Par rapport à cette demande des polonais qui apparait dans votre commentaire on voit dans le documentaire de Evans (et c'est aussi raconté dans le livre) comment Horst réagit quand Philippe Sands la lui soumet sous le nez. Il est mal à l'aise, soupire, puis explique que cette demande des polonais est très supecte à ses yeux (mais pas aux miens) car La Pologne à cette époque (en 1946) est déjà sous influence soviétique et que son père était bien évidemment haï par les russes vu son rôle joué contre l'armée rouge en Ukraine...
A
Merci pour ces précisions qui complètent bien mon article.<br /> Ce Eugen Dollmann illustre lui-aussi à la perfection les complicités dont ont bénéficié certains nazis auprès de la CIA, et du Vatican...On apprend dans le livre de Sands que le KGB aussi avait éxécuté certains nazis mais en avait retourné d'autres comme agents d'infiltration...des destins très divers et aléatoires donc, pour les nazis en fuite, selon l'intérêt qu'ils pouvaient representer pour les puissances alliées.<br /> Pour revenir à Otto il laisse entrendre à de nombreuses reprises dans ses échanges avec son épouse qu'il doit faire des choses pénibles, pas faciles ni agréables, mais sans jamais donner de détails...Je pense qu'il devait rêver à cet empire de plus de 1000 ans promis par le fuhrer dans lequel la guerre et son cortège d'horreurs n'aurait été qu'un point de passage obligé, une parenthèse "inévitable"...il espérait un avenir radieux sans doute...