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30 août 2021 1 30 /08 /août /2021 13:13

Bonjour les amis,

Demain 31 août 2021 je serai officiellement en retraite.

Même si c'est une décision librement choisie elle ne correspond pas à ce qui était mon souhait.

En effet, j'avais décidé d'enseigner jusqu'au moins 65 ans. Je m'en sentais la force et l'envie mais les contraintes qui nous ont été imposées dans le monde éducatif ces dernières années m'en ont dissuadé.

Faisons d'abord un petit retour arrière sur le début de l'année scolaire 2020/2021. Au mois de septembre 2020, et à cause de la pandémie, mes élèves étaient en régime semi-présentiel. Eux, ils venaient un jour sur deux, mais moi je faisais un nombre d'heures de cours correspondant à un emploi du temps complet. J'allais tous les jours au lycée, j'avais donc le double de groupes (forcément, vu que ceux-ci ne venaient qu'un jour sur deux !), et faisais cours avec un masque, ce qui, bien évidemment, me fatiguait davantage que de normale.

Or, il se touve qu'après ces journées fatigantes on me demandait l'après-midi et en soirée de prendre en charge via plateforme informatique les élèves qui n'avaient pas pu aller en classe.

Soyons clairs. Mes élèves allaient au bahut un jour sur deux mais moi je travaillais à temps plein presque deux fois.

Je vous fais une comparaison.

C'est comme si à un employé qui travaille dans une entreprise et qui fait un horaire complet (par exemple son service du matin) on lui demandait de faire aussi le service de l'après-mdidi en travail  télématique. Grosso modo on doublait ma charge de travail et, soit-dit en passant, sans la moindre compensation financière, mais c'était pas ça le plus grave : le plus grave, c'était que j'étais exténué...J'étais d' astreinte 24h sur 24, y compris les week-ends.

Alors tout cela s'est partiellement arrangé au cours du 2 ème trimestre durant lequel on est revenu à un régime 100% présentiel mais, par contre, certaines mauvaises habitudes prises à cause des plateformes informatiques sont restées.

Je me disais que la pandémie cesserait bien un jour ou l'autre mais, par contre, je pressentais aussi que les parents avaient maintenant entre leurs mains des outils performants pour nous solliciter sans cesse, jour et nuit.

J'avais de plus en plus de mal à couper ma vie professionnelle de ma vie privée...L'intrusion du professionnel devenait permanente.

J'avais donc pris des résolutions pour me protéger partiellement. J'ai commencé à ne plus répondre aux sollicitations durant le week-end, quel qu'en soit le motif.

Alors j'en viens maintenant au 2 ème motif plus global et plus grave qui a précipité mon départ en retraite.

Depuis plus de deux ans (et donc avant la pandémie) , on nous bassine avec des instructions venant d'en haut qui , au nom de la sacro-sainte INCLUSION mettent le professeur en difficulté quand un de ses élèves n'a pas la moyenne.

Les temps ont changé, et face l'échec scolaire, c'est bien souvent l'enseignant qu'on pointe du doigt, soit de manière directe, soit de façon indirecte et plus tordue.

L'enseignant a-t-il fait tout son possible pour que son élève ne soit pas en situation d'échec?  C'est la question qui se pose presque automatiquement dès qu'un élève est venu en classe normalement mais qu'il n'a pas pu obtenir la moyenne.

Ce que je ne supporte plus c'est d'être dans une institution qui se comporte, sans s'en rendre compte, comme l'école des fans de Jacques Martin. Vous vous souvenez de ce programme télévisuel dans lequel tout le monde avait au moins la moyenne? Et bien, ce n' est pas dit comme cela, mais c'est exactement ce que l'on nous demande, ce que l'on exige de nous.

L'école publique se transforme sans le dire en une école du renoncement, du mensonge et aussi de la lâcheté...et pour y arriver elle est en train de nous submerger dans une bureaucratie aussi lourde qu'inutile.

Par ailleurs je sais, par expérience, que lorsque l'institution scolaire se trompe elle met des années, parfois des décennies à rectifier.

En ce moment, par exemple, la mémorisation est très mal vue dans les programmes scolaires alors qu'elle est une des clés, même si ce n'est pas la seule, de l'instruction et de la connaissance. On veut à tout prix privilégier la réflexion mais une analyse sans mémoire ne va pas bien loin...

La culture de l'effort est partiellement battue en brèche à cause des néo-pédagogues qui tentent de faire croire qu'on peut tout apprendre de manière divertissante. La culture de la méritocratie n'est pas défendue, ni respectée, à cause  de ces moyens informatiques (et autres applications sur portables, professeurs particuliers,etc...) qui permettent à certains élèves de tricher éhontément, de faire faire le travail par un autre, et avec parfois le soutien implicite de leurs parents (et la complaisance de la hiérarchie ou de l'inspection).

Résoudre tout cela n' est pas bien compliqué mais vu la tournure que prennent les événements sous l'impulsion des néo-pédagogues démagos et mystificateurs qui ont pour l'instant le vent en poupe auprès des décideurs politiques, il faudra des années pour remettre les choses en ordre et pour se prémunir de toutes ces dérives.

Le problème se résoudra mais pour l'instant on est en plein dedans, et cette fois-ci, pour moi c'est clair, mes amis.

Je ne serai plus complice. Je ne serai plus le témoin muet. Tout ça se fera sans moi...

Place aux jeunes profs, à qui je souhaite plein de bonnes choses , mais qui iront jusqu'au bout de ces erreurs et qui devront ensuite les rectifier dans quelques années.

Permettez-moi, dans un moment aussi solennel pour moi, de citer Abraham Lincoln:

 

 

 

 

 

Une nouvelle vie commence...

En ce qui me concerne, je tourne la page. Une nouvelle vie commence...

Et comme disait le grand Leo Ferré, je vais d'abord me retourner vers la vérité, comme celle des oiseaux par  exemple...

Une nouvelle vie commence...
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commentaires

L
Bonjour AJE,<br /> Je découvre ce billet et tire mon chapeau à ton parcours exceptionnel.<br /> Me souviens de Cnabum qui a quitté l'enseignement 4 ans plus tôt, ayant travaillé en zep.<br /> Pour moi ce sera à 65 ans, fin juin... Mais on me dit que je peux rester jusqu'à 67, ça dépendra bien sûr de mon état de santé, mais la passion est toujours là.<br /> Profites en bien l'ami, c'est bien mérité.<br /> Et des billets de blog plus souvent alors, comme rosemar.<br /> :-)
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A
Merci l'ami. J'espère que tu auras la santé pour terminer ta carrière comme tu l'as décidé...C' est pas toujours facile de décider le moment d' arrêter. Tout comme les boxeurs il faut éviter "le combat de trop" ...-)<br /> Par ailleurs, je pense qu'effectivement je vais avoir un peu plus de temps à consacrer à mon blog pour vous faire partager mes coups de coeur.
M
Dans les bouquins sur l'école d'aujourd'hui : "Ils ont tué l'école" de Marion Armengod.
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A
Merci pour cette référence. je suis allé voir la présentation de son livre. Un dur constat d'une triste réalité...
M
Bonjour,<br /> En ce qui concerne l'école d'aujourd'hui, j'ai lu bien des articles qui vont dans le sens de ce que tu dénonces. Il semble que les élèves n’apprennent plus grand-chose à l'école et que la vie des enseignants devienne de moins en moins enviable.<br /> Marc et moi sommes à la retraite depuis 16 ans et je peux te dire que nous ne nous ennuyons pas <br /> une minute. Les gens qui s'ennuient à la retraite sont ceux qui s'avachissaient devant la télé tous les soirs avant. Forcément, dans la journée, il n'y a pas grand chose d’intéressant.<br /> Nous sommes restés actifs.<br /> Je pense que tu ne t'ennuieras pas non plus, alors, bonne retraite!
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A
En fait mes heures de classe étaient pour moi tout aussi enthousiasmantes qu'au début de ma carrière. Ça, ça n' a pas trop changé, heureusement. Ce qui m'est devenu insupportable c'est ce qui il y a autour et en dehors de ces heures de classe, cet environnement que je décris, cet alourdissement inutile des charges...ça c' est devenu tuant.<br /> Merci pour tes conseils de bonne retraite. Oui, il va falloir rester actif...
R
Je comprends ta lassitude et ton exaspération : ce que tu décris se passe aussi en France, la bienveillance, voire la complaisance imposée par la hiérarchie, le "pas de vagues", les diplômes bradés, la culture dévalorisée, etc.<br /> A ce sujet, j'ai lu un livre de K P Liessmann : La haine de la culture où il énumère "les dogmes de la religion de l'éducation" parmi lesquels, par exemple :<br /> <br /> "Je crois au bac pour tous" !<br /> ou encore <br /> <br /> "Je crois en la bénédiction par le numérique qui permet à chacun de tout apprendre..." !<br /> <br /> <br /> Belle soirée, AJE
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A
Merci pour cette réference au livre de Liessmann. Je le lirai...pas tout de suite, mais je le lirai. En Espagne il y a un professeur de philo encore en activité qui dénonce très bien cette dérive toxique que nous vivons de manière impuissante. Il s'agit de Xavier Massó et de son livre EL FIN DE LA EDUCACIÓN. LA ESCUELA QUE CESÓ DE SER "La finalité de l'éducation . L'école qui cessa de l'être"..malheureusement non traduit. L'essentiel de ce qu'il dit est applicable à l'ensemble des sytèmes éducatifs occidentaux.<br /> https://www.akal.com/libro/el-fin-de-la-educacion_51394/<br /> Là, ça va me faire tout drôle cette rentrée à laquelle je ne prendrai pas part. Cherchez l'erreur.<br /> En tout cas je pars sans avoir jamais cédé sur l'essentiel. Les élèves le savent, et maintenant, on ne pourra plus jamais m'enlever ça. Je pars avec ma crédibilité intacte. Aucun élève ne pourra jamais dire que je n'aimais pas mon boulot, que je ne maitrisais pas ce que j'enseignais ou que je faisais mon travail simplement pour gagner ma croûte...Même les élèves avec qui ça a été difficile et tendu n'oseraient pas dire ça de moi...J' ai gardé mon enthousiame spontané et naturel jusqu'au bout. C'est déjà pas si mal. De quoi passer maintenant à autre chose avec sérénité.<br /> Bonne fin de soirée l'amie
M
Bienvenue au club ! Bonne et belle retraite ! Je vis à l’envie et ne vois pas le temps passer entre enfants ,petits-enfants, bouquins , amis , amours ….! Je te souhaite la même !
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A
Merci Marie Cerise. C' est un départ non désiré et plein d'amertume. Il fallait que je l'écrive avant de tourner définitivement la page. J'aurai 63 ans dans un mois, et j' avais encore envie d'enseigner avec la sensation de ne pas encore avoir complètement fait le tour de la question...mais depuis 2 ans les choses se sont vraiment dégradées. Par ailleurs, ce que je dénonce se ressent dans les dates de départ en retraite. Avant les collègues terminaient leur année scolaire et partaient mais maintenant si un prof peut partir en retarite le 14 Mars et bien, il n'attend pas le 15...Je vais avoir plein de temps libre pour me consacrer à la famille, aux amis, à d' autres passions (musique, chant, littérature, philo.écologie,etc...), écrire un peu plus sur mon blog...et puis j'espère apprendre plus que jamais. Bises