Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 février 2019 6 16 /02 /février /2019 13:51

Bonjour les amis,

Je viens de terminer SEROTONINE, le dernier ouvrage de Michel Houellebecq que j'ai beaucoup aimé, même s'il se termine d'une manière plus amère que je ne l'espérais.

Alors pour vous présenter ce livre,  je vous renvoie à l'excellent article que Rosemar lui a consacré et, comme d' habitude, j'y ajouterai quelques commentaires personnels.

Tout d'abord parlons du style. Il me semble que Houellebecq a un peu changé son écriture et qu'il se lance souvent dans de très longues phrases qui rebondissent , virgules après virgules, tout comme la pensée de Florent qui se projette souvent assez loin dans le futur, et qui écarte, les unes après les autres, les fausses solutions qui se présentent à lui.

Le début du roman mêle drôlerie et dérision à une situation du narrateur qui est quand même assez glauque. Le rire est parfois salutaire : rions de notre misère pour ne pas en pleurer...Certains portraits de femmes sont tout simplement savoureux, notamment celui de Yuzu, la maîtresse japonaise. Il m'est souvent arrivé de pouffer de rire dans la première partie du roman.

Houellebecq change souvent de registre. Il peut commencer sur un ton badin et provocateur et d'un seul coup, nous balancer sans prévenir des passages très bien écrits, très pensés, d'une grande profondeur sur la nature de l'amour et de nos relations avec les femmes.

Quand il parle de "chattes" et de " bites" ce n' est jamais vulgaire et c'est toujours assez jubilatoire. Il sait nous toucher au plus profond de nos moteurs charnels.

Houellebecq joue la provo aussi, et beaucoup de ses affirmations péremptoires sont à prendre au second degré...Souvent, elles reflètent juste un fond de vérité. Seul lui peut se permettre d'écrire certaines phrases  politiquement très incorrectes en apparence.

Mais ce qui frappe le plus dans ce roman c'est l'enfermement du héros, qui prévoit et anticipe les futurs échecs qui l'attendent et qui préfère prendre la juste mesure de ses erreurs passées, qui sont en définitive assez irréparables.

Ce livre est aussi une réflexion sur notre liberté qui, lorsqu'elle se préoccupe trop de celle des autres, finit par nous projetter dans une solitude mortifère. L' isolement devient le prix de notre liberté, le lourd tribu que nous lui payons.

Le héros a besoin des femmes mais il ne tente jamais de tricher, ni de se les approprier de manière déloyale ou peu respectueuse de leur liberté. D'ailleurs, il n'applique pas à lui-même certains conseils qu'il donne à ses amis qui sont dans un état de dépression proche du sien. J' ai lu ici ou là que Houellebecq était  parfois mysogine : rien n' est plus faux. Au contraire, la femme et son sexe représentent pour lui la naissance du monde.

Le fond du roman est très noir car Florent se sent incapable de survivre sans l'aide de ses petites capsules de captorix ( un nouveau médicament mis sur le marché qui altère sa libido). 

Florent, frappé par l'état de notre monde et de nos relations sociales perverties par la marchandisation qui crée de nouvelles castes (voire de nouvelles aristocraties), ne peut y survivre que par des moyens artificiels.

Quand j'ai refermé la dernière page je me suis senti assez bouleversé, profondément remué par tant de lucidité sur notre condition humaine au XXI ème siècle.

Stressés, frustrés et isolés que nous sommes, avec le bonheur qui nous glisse irrémédiablement entre les doigts.

 

Sérotonine...ou quand la solitude et la dépression vous attendent au bout du chemin.

PS: En marge de ce roman, sa lecture m'a rappelé une info que j' ai lu récemment et qui m' a " frappé" comme aurait dit Coluche : Theresa May a créé un "ministère de la solitude" tant ce problème s'est converti en un fléau social au Royaume-Uni.

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Regarde ce qu'on dit sur le captorix... :-)<br /> <br /> http://www.psychomedia.qc.ca/depression/2019-01-07/captorix-antidepresseur-roman-serotonine-michel-houellebecq
Répondre
A
Merci pour le lien. Le captorix porte en son nom son principal défaut : il " capture" les patients qui auront beaucoup de mal à s'en sevrer.<br /> D' ailleurs Florent dit à la fin du roman qu'il se sent incapable de s' en passer, ne serait-ce qu'une seule journée...
R
En effet, Houellebecq surprend souvent le lecteur par des ruptures de ton, certains passages sont franchement hilarants, d'autres pleins de mélancolie, il décrit bien aussi le dérisoire de la vie, et comme tu dis, l'ultra moderne solitude... Mais les deux derniers paragraphes introduisent une forme de transcendance qui me plaît.<br /> <br /> Belle soirée, AJE
Répondre
A
Oui, il y a une sorte de remise en perspective à la fin.<br /> "Dieu s’occupe de nous en réalité, il pense à nous à chaque instant, et il nous donne des directives parfois très précises. Ces élans d' amour qui affluent dans nos poitrines jusqu'à nous couper le souffle, ces illuminations, ces extases, inexplicables si l'on considère notre statut de simples primates, sont des signes extrêmement clairs."<br /> Mais la fin est très sombre notamment quand il explique qu'il va devoir tromper le docteur Azote qui est loin d' être bête, pour éviter que celui-ci n' essaie de le sauver...<br /> Bonne fin de soirée l' amie