Bonjour les amis,
je viens de voir ( comme toujours avec un certain retard) CAPTAIN FANTASTIC le dernier film de Matt Ross.
C'est une histoire qui commence comme une fable moderne.Une famille américaine désire vivre de manière utopique loin de la société de consommation, frustrante et aliénante, en s' isolant quelque part dans l' immensité des montagnes rocheuses.
Le père Ben, très bien interprété par Viggo Mortensen, se charge de l' éducation des enfants pendant que la maman est à l' hôpital.
Il s' agit d' une éducation authentique, à la fois exigeante et très dure qui devrait permettre aux enfants de devenir des individus très forts, libres et critiques, capables de vivre réellement en harmonie avec la nature.Une éducation qui n' a rien de laxiste, inspirée de l' idéal de la révolution Hippie, de la pensée new-age, de l' écologie, des philosophies humanistes et universalistes.
Par exemple, le jour de Noël est substitué par la célébration de la naissance de Noam Chomsky, père fondateur d' une pensée orientée vers l' entente et le respect entre les peuples.
Pour tout le groupe, tous les jours, ce sont des entraînements sportifs soutenus dans la nature ,exercices de maintien de la forme physique dignes de la préparation des marines américains,chasse au daim, escalades de parois rocheuses suivis d' un apprentissage scolaire exigeant dont se charge Ben.
Ben dont on imagine qu' il a été par le passé un brillant intellectuel apprend à ses enfants les langues étrangères, l' esperanto, la physique quantique, la biologie,à faire des analyses littéraires rigoureuses, etc...Ses enfants sont des petits Rambos capables de survivre dans les milieux les plus hostiles mais également capables d' avoir une réflexion éthique et morale d' un niveau déjà très relevé pour leur âge.
Mais, bientôt, de graves problèmes vont survenir au sein de cette communauté utopique avec le suicide de la mère à l' hôpital. La famille va devoir se confronter au monde qui les entoure, et les préceptes éducatifs imposés par Ben vont bientôt montrer leurs limites.
Ses enfants sont très forts, très préparés mais ont grandi de manière si isolée du reste de la population qu' ils sont en constant déphasage avec leur environnement social ce qui donne lieu à des scènes parfois assez humoristiques.
A partir du suicide de la mère le film prend alors les tournures d' un road movie ( un peu comme le croquignolesque et savoureux LITTLE MISS SUNSHINE): le groupe part dans l' autobus familial pour aller assister à l' enterrement de la mère.
Au cours de ce voyage Ben va lutter pour faire respecter les dernières volontés de son épouse, mais il va aussi douter...Ses enfants, à travers leurs problèmes et parfois leur rébellion, vont le faire se remettre en question.
La confrontation et le CHOC de Ben avec son beau-père, magistralement interprété par Jack Langella, est su-bli-me.
Et si l' idée merveilleuse de petite communauté que Ben a eu avec son épouse n' avait peut-être été rien d' autre qu' une ERREUR merveilleuse ?
Le film peut agacer parfois car le réalisateur cherche peut-être à être trop démonstratif,mais en même temps, il soulève bien les questions posées par ces parents qui veulent tout réinventer pour leurs enfants, et qui veulent se substituer aussi à l' école qu' ils considèrent comme complice d' une société perverse et aliénante.
Je précise bien que l' enseignement de Ben est tout le contraire d' un endoctrinement.Il oblige ses enfants à lui fournir un vrai travail critique de réflexion mais leur isolement social a aussi des effets très nocifs.
Peut-on réinventer une société à partir de sa propre famille en l' isolant et sans la convertir en une espèce de secte ?
Pourtant, Ben, même s' il est souvent rigide et exigeant,ne se comporte jamais comme un mini dictateur puisque tous les membres de la communauté ont toujours la possibilité de remettre en cause leurs règles de cohabitation communes si ils sont capables d' exposer de manière argumentée leurs divergences.Il s' agit bien d' une tentative de démocratie directe au sein d' une micro-société composée de membres intelligents et responsables.
Il y a de magnifiques passages dans ce film très sincère qui nous oblige à réfléchir sur notre façon d' éduquer et sur les limites de notre liberté individuelle, et de notre responsabilité en tant que parents.
Et puis, ce film est aussi une belle comédie allègre, et pleine de vie, bien menée.On suit tambour battant et avec ravissement les tribulations joyeuses de ce petit groupe complètement atypique .
Certains trouveront cette histoire assez invraisemblable ou peu crédible mais le réalisateur s' amuse à pousser jusqu' au bout la logique des parents.
Je ne parlerai pas de la fin si ce n' est pour dire qu' elle m' a plu même si d' autres la trouveront trop en accord avec la bien-pensance américaine.
Nous sommes libres et pouvons mener notre petite révolution sans être systématiquement en rupture de ban avec la société.Il peut y avoir des compromis intelligents...
Ou alors, à trop vouloir corriger certaines servitudes artificielles de notre société moderne on risque de créer certaines carences qui sont encore pires...
Enfin, à une époque, où il y a tant de films creux et superficiels, sans substance, destinés au public familial, on ne peut que saluer une oeuvre grand public qui apporte autant de réflexion , d' intelligence, de sensibilité, d' humour et d' originalité.
A citer par ailleurs la bande-son avec des morceaux classiques et d' autres traditionnels très connus ( dont un de Dylan) mais réinterprétés par nos joyeux protagonistes, notamment une version de sweet child of mine des Gun's N' Roses qui m' est allée droit au coeur...
Je vous mets la bande-son de cette réinterprétation et sachez que la scène est merveilleusement filmée comme une ode à la vie, pleine de poésie, et qu' elle m' a sincèrement ému.Elle mérite d' être écoutée jusque la dernière note de l' harmonica...
Voici le NOAM CHOMSKY DAY avec une petite chanson en son honneur...à un moment du film où la petite communauté est en contact avec la société américaine ( le père fait une petite concession et entorse aux règles de vie commune en servant exceptionnellement un gâteau et une crème parfaitement industriels et chimiques).
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