Bonjour les amis
J' ai vu la semaine dernière Mademoiselle de Park Chan-Wook.
Pour ceux qui ne savent rien de ce film, je conseillerai de lire tout d' abord la critique et présentation de notre ami Fatizo sur le lien ci-dessous
Ce film est d' une extraordinaire beauté formelle, d'une esthétique extrêmement soignée et raffinée qui allie exotisme. érotisme et sensualité, mais il est aussi envoûtant, déroutant, surprenant et parfois un peu dérangeant. A mi-chemin entre le rêve et le cauchemar...C'est un labyrinthe où le réel s' échappe sans cesse, s'inverse et où le spectateur perd pied parfois.
C'est comme un kaléidoscope, un jeu complexe de miroirs et de faux semblants.
Il y a un parti pris de l'auteur qui peut parfois agacer mais qu'il faut accepter : ses personnages masculins sont tous assez repoussants. Nous sommes en 1930, à une époque où les femmes dans la société japonaise sont au service des hommes et doivent leur apporter la beauté, l' art, la poésie et doivent aussi les assouvir de leurs fantasmes. Le déséquilibre homme-femme dans le film est très fort et on n'a de sympathie pour aucun MAIS VRAIMENT AUCUN des personnages masculins. Ils sont soit nuls, soit manipulateurs, soit pervers, et parfois ils sont tout ça à la fois, comme le faux comte japonais parfaitement antipathique...
En contrepoint de l'univers aliénant, étouffant, dur, pervers et sophistiqué des hommes, la relation trouble et sensuelle qui lie la servante et sa maîtresse nous plonge au coeur d'une grande histoire d'amour.On reste scotché.... certaines scènes d'une grande sensualité nous laissent momentanément au bord de l'apnée...
Il est parfois difficile pour un spectateur occidental de juger de la vraisemblance psychologique des protagonistes car s'agissant de personnages extrême-orientaux, on ne connaît pas bien leur culture et on ne sait pas toujours ce qui est "normal" chez eux, et ce qui l'est moins...
Juste un exemple: la maîtresse au début du film fait un cauchemar et dort encore avec une poupée qui tient lieu de mascotte, comme si c'était encore une grande enfant...Difficile de savoir pour ceux qui ne connaissent rien à la culture asiatique si ce détail serait habituel ou pas dans les années 30 (on suppose qu'il ne l'est pas) .
La servante a parfois des réactions qui me semblent très européennes (ce qui paraît logique si on sait que l'histoire est tirée d' un roman anglais) mais finalement j'ai quand même des doutes sur sa vraisemblance psychologique qui m'a paru culturellement parlant "hybride".
Seuls des japonais ou des coréens pourraient m'éclaircir sur ce point !
Mais peu importe, ce film n'a pas pour objet de nous peindre un tableau fidèle à la mentalité d'une époque et d'une culture, pas plus que le Marquis de Sade n'avait l' intention de nous offrir un portrait psychologique et sociologique exact de son époque, mais plutôt d' inscrire une histoire forte et complètement originale dans un contexte historique donné.
Il y a aussi les préjugés racistes entre les japonais et les coréens qui, au début du film, sont sous-jacents dans les rapports entre la maîtresse japonaise et sa servante coréenne ( là, par contre,on imagine bien que le mépris, le dédain et l'arrogance affichés par les japonais étaient bel et bien réels...mais les spectateurs asiatiques comprendront certainement mieux que nous certaines intentions du metteur en scène et sa relation d'amour-haine vis-à-vis des japonais).
Voici une interview de Park Chan Wook qui nous éclaire un peu sur la perception qu'un Coréen comme lui a de la société et de la culture japonaise
MADEMOISELLE est vraiment un beau film étrange, envoûtant et original qui sait nous toucher au plus profond de notre sensibilité et de notre être.Le film sait nous troubler grâce à l' immense talent de son metteur en scène et aussi grâce à l'interprétation hors-pair et pleine de sensibilité et de finesse des deux héroïnes.Elles sont inoubliables...toutes les deux !
Elles restent gravées dans mon imaginaire.
MADEMOISELLE, c' est un OVNI du 7 ème art qui ne ressemble à rien d'autre...
Je pense que je vais le revoir au moins une deuxième fois car c'est le genre d'histoire qui, tout comme le 6ème sens de Shyamalan, donne envie d' être revisionnée en sachant tout depuis le départ.
Par ailleurs, je vais sans doute lire le roman de Sarah Waters pour en savoir davantage sur ce qui a inspiré Park Chan-Wook, et ce qui tient de sa patte personnelle.