Bonjour les amis,
Ce billet est la suite de celui que j' ai consacré à l' échec de la formation d' un gouvernement plus de 60 jours après les élections législatives.
Souvent j' essaie d' expliquer à mes amis français la complexité de la situation politique espagnole sans vraiment y parvenir.Je vais essayer d' apporter des éléments qui permettent de mieux la saisir.
D' abord, il faut bien comprendre que la dernière législature a comporté deux élements dont les effets ont été dévastateurs.
1- la mise en place des politiques d' austérité dictées par Bruxelles pour que ce pays puisse bénéficier d' un plan de sauvetage de 110 milliards d' euros.
2- Les révélations quasi incessantes de scandales financiers liés à la corruption qui frappe principalement le parti au pouvoir.Il ne s' agit pas de cas de personnes isolées mais de trames politiques organisées qui drainaient de manière systématique l' argent public et qui ont enfoncé le pays dans une crise profonde.
De ces 2 énormes problèmes ont surgi 2 nouvelles forces, PODEMOS à gauche et CIUTADAN'S à droite qui ont fait de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille.
Les dernières élections ont confirmé la percée de ces 2 partis, et le pays s' est retrouvé avec avec 4 partis qui font grosso-modo jeu égal.Une situation inédite qui plonge le système politique dans l' impossibilité de former un gouvernement.
Mais ce n' est pas tout.Il y a le poids des partis régionalistes qui vient compliquer encore un peu plus la donne.
Je vais me lancer dans une comparaison qui vaut ce qu' elle vaut pour essayer de vous illustrer mon propos.
Essayez d' imaginer, cher lecteur français, que la Bretagne soit gouvernée par des forces qui ne soient ni socialistes, ni de l' UMP, mais par des partis bretons de droite et de gauche dont la finalité serait de se séparer de la France.Imaginez que la région Nord-Picardie aussi soit dirigée par d' autres partis picards et ch' ti qui auraient la même finalité séparatiste.Essayez d' imaginer que chez les indépendantistes il y ait différents partis avec les mêmes clivages droite-gauche et extrême-gauche mais qu' ils soient réunis par le même désir d' indépendance qui primerait sur toute autre considération, et vous aurez une petite idée du casse-tête espagnol.Lors de la dernière consultation en Catalogne à l' automne dernier tous les partis indépendantistes se sont présentés sous une même bannière JUNT PEL SI ( ensemble pour le OUI à l' indépendance)...une liste qui allait des libéraux jusqu' aux républicains communistes de Esquerra Republicana de Catalunya .
Il faut que vous sachiez que si Pedro Sanchez avait accepté l' idée d' un référendum en Catalogne il serait déjà à l' heure où j' écris ces lignes le chef du gouvernement espagnol.Oui,vous ne le savez probablement pas, mais s' il avait cédé aux indépendantistes sur la question référendaire ça lui aurait donné les clés du pouvoir.
Comment se situe PODEMOS face à ce défi indépendantiste ?
Pablo Iglesias est en faveur de donner aux catalans le droit à l' autodétermination.Son idée c' est de faire comme Cameron.Organiser le référendum et le gagner.Faire le pari que les catalans resteront en Espagne...C' est une option qui est jouable mais très dangereuse dans le contexte actuel de crise économique , car, nombreux sont ceux qui sont prêts à faire le saut indépendantiste uniquement pour des motifs purement égoistes.
Les socialistes espagnols ne sont pas prêts à jouer au poker avec l' intégrité territoriale du pays, et je les comprends.Il y a d' autres cartes à jouer comme celle de proposer une modification de la constitution qui donnerait à la Catalogne un statut confédéral...
Le déclin du parti socialiste espagnol est une mauvaise nouvelle pour tous ceux veulent maintenir l' unité de l' Espagne.En effet, ce parti était le ciment national qui liait toutes les régions car il était fortement implanté dans chacune d' entre elles, y compris la Catalogne et le Pays basque.
L' émergence d' un parti comme PODEMOS a eu comme effet collatéral de donner encore plus de force aux partis indépendantistes car ils se voient légitimés dans leur désir d' organiser un scrutin d' autodétermination.
Revenons maintenant aux possibilités de gouvernements qui s' offrent au pays à l' avenir.
J' ai écouté hier soir les principaux représentants de tous les partis, et je vous fais le point sur la situation actuelle au 6 Mars.
Le parti socialiste va s' ouvrir aux négociations avec les autres forces politiques en se présentant à la table conjointement avec les libéraux de CIUTADAN'S avec qui ils ont signé un accord qui, pour l' instant, reste en vigueur..
Il y a donc en gros 3 possibilités:
1- un accord de gouvernement d' union nationale avec la droite de Mariano Rajoy:
PSOE+Ciutadan's+PP...techniquement possible mais pratiquement inacceptable par la militance socialiste
2- un accord de gauche avec PSOE+PODEMOS+ Izquierda Unida + le parti nationaliste basque ( qui n' est ni séparatiste, ni de gauche non plus mais qui apporterait l' appoint nécessaire).
3- On retourne vers des élections en Juin et, dans ce cas, il n' y aura pas de gouvernement avant le mois d' août
Je terminerai ce billet par une boutade.
Le général De Gaulle disait que le problème en France c' est qu' il y avait plus de 365 sortes de fromages.De Gaulle aimait prendre ses vacances en Andalousie mais n' avait pas remarqué qu' en Espagne aussi, il y a une multitude de variétés de fromages....
Post-scriptum
Revenons à l' économie et à la vie quotidienne maintenant.Pendant que toutes ces forces se déchirent, le chômage bat son plein chez les jeunes avec un taux de plus de 40 %...des jeunes qui travaillent de manière précaire pour des salaires de l' ordre de 500 euros par mois.Oui, vous m' avez bien lu, le smic est à 650 euros et la majorité d' entre eux gagne moins...On nous dit que L' Espagne a l' une des meilleures croissances de l' ordre de 3% mais ça ne ne traduit pas en emplois stables.
Pendant que les forces politiques se déchirent, les jeunes qui ont reçu une bonne formation fuient un pays qui n' a plus rien de sérieux à leur offrir...
Pendant que tout le monde se divise sur ce qu' il faudrait faire, les forces vives du pays l' abandonnent.
C' est désespérant
La semaine dernière, pendant que je voyais chaque représentant de groupe parlementaire monter à la tribune de l' assemblée, j'étais saisi d' une rage intérieure.J' en ai marre des tribuns qui viennent parler au nom du peuple, qui viennent crier à l' injustice mais qui sont incapables de surmonter leurs divisions pour offrir une chance à ce pays.Marre aussi d' avoir une majorité de gauche incapable de gouverner à cause de ces histoires de séparatisme...
J' avais envie de leur hurler:
" Bande de Jean-foutres !!!
C' est pas avec des gens comme vous que mes enfants vont avoir un avenir...
Vous êtes incapables de vous mettre d' accord, ni de surmonter vos divisions pour faire de la récupération économique votre principale préoccupation..."
Ces pensées sont excessives et injustes, certes, mais le résultat des courses est bien le même.Pendant qu' on discute de ce qu' il faudrait faire, pendant que les indépendantistes tirent vers eux la couverture,on est toujours sans gouvernement 60 jours après des élections, et je vois tous les jours des jeunes qui partent la larme à l' oeil, mais qui partent quand même, sentant bien que la vie est courte et que s' ils attendent que l' Espagne se redresse pour se construire un avenir, ils vont laisser passer leur chance...