Bonjour les amis,
Je viens de voir " Une belle fin" d' Umberto Pasolini après avoir lu les articles de Fatizo et de C' est Nabum.
Voici un simple résumé extrait de la page Allociné:
Modeste fonctionnaire dans une banlieue de Londres, John May se passionne pour son travail. Quand une personne décède sans famille connue, c’est à lui de retrouver des proches. Malgré sa bonne volonté, il est toujours seul aux funérailles, à rédiger méticuleusement les éloges des disparus… Jusqu'au jour où atterrit sur son bureau un dossier qui va bouleverser sa vie : celui de Billy Stoke, son propre voisin.
Je ne prétends pas faire une critique de plus du film ( je renvoie plutôt mes chers lecteurs aux deux articles très pertinents de Fatizo et de C' est nabum) mais j' aimerais simplement ajouter quelques commentaires dont certains qui me sont très personnels.
Pasolini aborde ce sujet grave d' une manière à fois humaine, tendre et poétique sans tomber dans le pathos.Son thème interpelle nécessairement n' importe quel spectateur normalement constitué.Son film n' échappe pas malgré tout à certains clichés, notamment, ce rôle WimWendersien et MarcoFerrerien de John May en petit fonctionnaire méticuleux et obséquieux engoncé dans son costume noir dont la vie réelle, profondément isolée du reste des vivants, se confond avec celle des personnes dont il est chargé d' organiser les funérailles.Un personnage stéréotypé sorti d' un roman existentialiste donc,mais parfaitement adapté au scénario pour soutenir le discours du metteur en scène.Un rôle parfois absurde et kafkaien dans la mesure où la société qui rétribue John May se préoccupe de moins en moins de la fonction qu' elle lui a elle-même assignée.
Le film touche, entre autres, un thème sensible sur lequel nous sommes tous bien d' accord: tout individu a droit à des funérailles décentes, non anonymes et la société se doit de lui réserver un dernier moment d' humanité...Personne ne devrait être enterré "comme un chien".
Dans les sociétés primitives les membres naissent et meurent entourés et soutenus par leur collectivité, mais dans nos sociétés modernes, bien plus égoïstes, cette mort inévitable se produit parfois dans la plus profonde des solitudes...Nous avons rompu le lien sacré qui fait que chacune de nos existences individuelles fait partie d' un cycle de vie en harmonie avec notre collectif social.
Qu' est-ce qui fait le plus peur ? Qu' est-ce qui est le plus inhumain ? Q' est-ce qui est le plus douloureux ? Mourir ou mourir seul ?
Enfin, notre mort est l' ultime chapitre d' un livre qui devrait donner un dernier sens à notre vie, et dans ce cas, quel sens peut-on accorder à la vie d' une personne qui est partie toute seule et dont la collectivité s' est désinteressée ? Ne dis t' on pas que lorsque nous mourrons notre vie se transforme en destin ?
John May représente la dernière tentative sociale de ne pas perdre le lien sacré qui devrait tous nous unir et c' est bien son regard sur les quelques derniers objets ayant appartenus au défunt qui essaie de reconstituer ce sens perdu de la vie...ou alors ce sens que la vie n' aurait pas dû perdre.
" Une belle fin" est un beau film .C' est un hymne à la vie qui sait être drôle aussi...un film qui nous met en garde contre notre oeil transparent, insensible, indifférent, discriminant ...et parfois inhumain aussi.
C' est un film qui a ravivé chez moi des souvenirs douloureux de deux personnes que j' ai connues et qui sont parties toutes seules:
- la première était une personne qui m' était très chère, qui a toujours été très entourée mais que la mort a surpris toute seule à l' hôpital...Par un très mauvais et malencontreux hasard, elle a rendu son dernier souffle seule dans sa chambre, sans aucun témoin, et je suis arrivé une heure trop tard.Son dernier regard s' est éteint sur des murs lisses et vides.Mon regret est d' autant plus vif que j' ai encore aujourd' hui des reproches personnels à me faire car je n' ai pas suffisemment aimé cette personne.Je ne lui ai pas rendu tout ce qu' elle m' a donnée...ce n' est pas sa mort aujourd' hui qui me fait sentir coupable mais la déficience d' amour qui l' a précédée.Maigre consolation:c' est moi qui ait réalisé les meilleurs portraits de cette personne et c' est l' un d' entre eux qui est incrusté sur sa pierre tombale.
- la deuxième mort concerne une personne que j' aimais beaucoup et à qui j' avais retiré mon amitié à cause de certains aspects insupportables de son caractère.C' était une personne parfois sectaire, intolérante, raciste et dont la compagnie provoquait sans cesse des heurts avec le reste de mon entourage...J' avais une vingtaine d' années quand j' ai rompu avec cette personne qui a fini par se suicider plus tard par dépit amoureux.Aujourd' hui je sais qu' elle était malade et qu' elle souffrait de troubles psychiques graves et qu' en fait elle avait constamment besoin d' un noyau d' amis pour la maintenir à flot...
A l' opposé de ces 2 derniers exemples, il y a la mort de mon papa.
Ma soeur m' informe de sa terrible dégradation physique et de la gravité de son état à 6 heures du mat'...Je me précipite sur mon PC et je trouve un vol pour Charleroi le jour même...Je suis à son chevet à 5 h de l' après-midi.Il y a là, ma mère, ma soeur et sa fille pendant que le reste de la famille est dans la salle d' attente de l' hôpital.Vers 20 heures mon père nous regarde tous une dernière fois comme dans un film.Son regard fait un tour circulaire sur nous tous et puis se ferme brutalement.Nous serons la dernière image qui restera gravée dans sa rétine avant qu' il ne parte...il m' arrive parfois de penser qu' il a eu la force de m' attendre avant de s' éteindre.
Merci Papa